Soyouz | Lanceur

1. Le lanceur Soyouz

Au début de son développement, le vaisseau Soyouz devait avoir une masse d'environ 5800kg. C'est sensiblement plus que le vaisseau Voskhod qui l'a précédé, mais il était toujours possible de le mettre sur orbite au moyen du lanceur Voskhod (11A57) en service à l'époque.

Fig. 1 : Le lanceur Soyouz sur le pas de tir avec le vaisseau Soyouz-9, en mai 1970.
Crédit : RIA Novosti.

Mais en 1963, la masse du vaisseau a été revue à la hausse (6 tonnes), et le développement d'une nouvelle version du lanceur a été décidée. Cette nouvelle version, appelée 11A511, sera baptisée du nom de sa future charge utile, c'est à dire Soyouz.

Par rapport au Voskhod, Soyouz a des performances plus élevées et il est équipé d'une tour d'éjection qui permet de sauver l'équipage en cas d'explosion du lanceur lors du décollage.

2. Le lanceur Soyouz-U

En novembre 1972, il est décidé que les vaisseaux habités Soyouz seront dorénavant mis sur orbite par la nouvelle version Soyouz-U (11A511U) du lanceur. La version Soyouz (11A511) utilisée jusque-là n'est en effet pas suffisamment performante pour les nouveaux vaisseaux de type Soyouz-M (11F615A12) développés dans le cadre du programme international Apollo-Soyouz.

Le vol de Cosmos 638, en avril 1974, répétition générale du vol Apollo-Soyouz, est le premier vaisseau Soyouz à embarquer sur une Soyouz-U. En 1977, l'ancienne version Soyouz (11A511) est définitivement retirée du service.

3. Le lanceur Soyouz-U2

L'entrée en service de la nouvelle version du vaisseau, le Soyouz T (11F732), pose un problème de masse. L'un des principaux avantages du Soyouz T par rapport à la génération précédente est sa capacité à transporter un équipage de trois cosmonautes. Le prix à payer est une augmentation substantielle de la masse du vaisseau, qui passe à 7020kg.

Fig. 2 : Soyouz T-12 sur le pas de tir.
Crédit : Spacefacts.

Le lanceur Soyouz-U est capable de placer ce vaisseau en orbite basse, mais uniquement si la station orbitale visée évolue sur une orbite dont l'altitude est inférieure à 300km. Si l'on préfère s'affranchir de cette contrainte sur l'orbite, il est possible de lancer le Soyouz T avec seulement deux cosmonautes.

En 1978, le TsSKB-Progress lance le développement d'une version améliorée, dite Soyouz-U2 (11A511U-2), dans le but de s'affranchir de ces contraintes. L'idée est d'utiliser, pour le moteur RD-118 du corps central, (Bloc A) un carburant plus efficace que le kérosène, la sintine, qui autorise une augmentation de 275kg de la masse de la charge satellisable.

A partir de Soyouz T-12 en juillet 1984, la version Soyouz-U2 sera utilisée pour tous les vaisseaux Soyouz et Progress. En 1986, la nouvelle version du vaisseau, Soyouz TM, utilise encore le lanceur Soyouz-U2.

4. Retour à Soyouz-U

En 1994, l'usine PO Salavatnefteorgsintez, l'unique producteur au monde de sintine, stoppe définitivement sa production. Le prix de la sintine est en effet devenu tellement élevé que l'Agence Spatiale Russe, la RKA, ne souhaite plus le financer. Les réserves permettent à la RKA, de réaliser encore trois vols de Soyouz-U2, mais pour la suite, il faudra trouver une autre solution.

La seconde motivation qui pousse la RKA à abandonner la sintine est une anomalie survenue lors des essais du moteur RD-108 destiné au lanceur du vaisseau Soyouz TM-24. Lors d'un essai d'allumage, des vibrations haute fréquence sont apparues à la cinquantième seconde de fonctionnement, vraisemblablement à cause d'un défaut dû à la sintine [3].

Fig. 3 : L'usine Salavatnefteorgsintez de Salavat, en Bachkirie.
Crédit : DR.

Si les vaisseaux habités Soyouz TM sont lancés par des Soyouz-U, ils seront soumis à trois importantes restrictions [2] :

   - ils ne pourront emporter que deux cosmonautes au lieu de trois (économie de masse),
   - les lancements ne seront possibles que l'hiver (refroidissement naturel du kérosène),
   - le kérosène devra avoir une masse volumique augmentée (a minima 0,814kg/L à 20°C).

Le fait de ne pouvoir embarquer que deux cosmonautes ne permettrait pas de poursuivre l'exploitation de la station orbitale Mir sans rompre les accords internationaux visant à faire voler les cosmonautes des pays partenaires. De plus, à moyen terme, il ne serait pas possible pour la Russie d'honorer ses responsabilités dans le cadre de la future Station Spatiale Internationale (MKS).

La RKK Energuia lance une étude visant à déterminer la faisabilité de reconstruire une usine de sintine. Il s'avère qu'un budget de 256 milliards de roubles (aux conditions économiques du quatrième trimestre 1995) seraient nécessaires, et que l'usine ne pourrait être opérationnelle avant un an et demi. Ni la RKA, ni la RKK Energuia n'ont les ressources nécessaires pour un tel projet.

Fig. 4 : Soyouz TM-22, le dernier vol de Soyouz-U2, 3 septembre 1995.
Crédit : ESA.

Décision est alors prise à Moscou de se passer de la sintine. Les réserves permettront de tenir jusqu'au vaisseau Soyouz TM-22 de la mission EuroMir-95. Une fois n'étant pas coutume, la chance est du côté des Russes et leur accorde un délai supplémentaire, car le vaisseau suivant, Soyouz TM-23, est prévu pour n'emporter que deux cosmonautes, et il décollera en plein hiver, en février 1996 ! Il pourra donc s'accommoder d'un lanceur Soyouz-U.

Fig. 5 : Soyouz-U, avec le vaisseau allégé Soyouz TM-24.
Crédit : DR.

Mais à partir du vaisseau Soyouz TM-24 de la mission franco-russe Cassiopée, il va falloir compenser le déficit de performance du Soyouz-U.

Les équipes de la RKK Energuia et du TsSKB-Progress travaillent ensemble pour trouver les 275kg qui manquent. La solution consistera :

   - à augmenter les performances de Soyouz-U,
   - à alléger le vaisseau Soyouz TM.

Mais les ingénieurs travaillent dans l'urgence, et pour Soyouz TM-24 ils n'auront pas le temps de modifier le lanceur Soyouz-U. Il faut donc réduire la masse du vaisseau de 250kg (6940kg au lieu de 7190kg). Le lancement a lieu le 17 août 1996 avec Valeri KORZOUN, Aleksandr KALIERI et la spationaute française Claudie HAIGNERE.

A partir du vol suivant, Soyouz TM-25, le lanceur Soyouz-U voit ses performances augmentées à 7035kg (pour un lancement en conditions hivernales) et, parallèlement, la masse du vaisseau est ramenée à 7030kg, notamment en modifiant l'une des antennes du système de rendez-vous automatique Kours.

Pour augmenter la capacité du lanceur, le TsSKB-Progress a décidé de diminuer légèrement la réserve d'ergols dans les réservoirs. De plus, quelques kilos sont gagnés en allégeant la structure du lanceur et en optimisant la trajectoire.

Fig. 6 : Bilan de masse des vaisseaux Soyouz et de leurs lanceurs.
Infographie : RKK Energuia / Nicolas PILLET.

Comme la puissance des moteurs est sensiblement améliorée en augmentant la densité du kérosène, la performance globale du lanceur est meilleure l'hiver que l'été. Pour optimiser le Soyouz-U, la RKA finance en 1997 le développement d'un nouveau système de refroidissement du kérosène appelé SM-1000, qui permet de descendre à 5°C (± 2°C).

Fourni par le KBOM, il est associé au système de remplissage 8G0119 et il est installé au cosmodrome de Baïkonour, sur le pas de tir n°5 (celui qui sert pour les vols habités). Le système est testé lors du remplissage des vaisseaux de ravitaillement Progress M-34 et Progress M-35, avant d'être utilisé pour le vaisseau habité Soyouz TM-26.

Ces différentes mesures permettent à la Russie de continuer normalement l'exploitation de sa station Mir, puis de commencer l'exploitation de la Station Spatiale Internationale. A partir de Soyouz TM-26, tous les vaisseaux Soyouz TM seront mis sur orbite par des lanceurs Soyouz-U.

En 1999, la situation financière de la RKA est si désastreuse, que l'agence ne peut pas financer le Soyouz-U pour le vaisseau Soyouz TM-29, qui doit emporter trois cosmonautes, dont le Français Jean-Pierre HAIGNERE, vers la station Mir. Pour assurer l'exploitation de la station, la RKK Energuia doit financer le lanceur sur fonds propres [1].

En 1997-1998, les ingénieurs de la RKK Energuia et du TsSKB-Progress réalisent des études sur les phénomènes aérodynamiques qui interviennent lors de la séparation des blocs latéraux. Ils en concluent qu'il est possible d'élargir la plage de charge cinétique admissible au moment de la séparation, et de modifier le système de contrôle embarqué, afin de quasiment lever les restrictions sur la séparation [1].

Jusque là, en effet, les blocs latéraux ne pouvaient être largués qu'à un moment bien précis afin d'assurer une séparation nominale. La trajectoire du lanceur devait donc tenir compte de cette restriction. Dorénavant, elle pourra être optimisée, ce qui permettra d'augmenter encore la masse de sa charge utile. La nouvelle trajectoire est testée pour la première fois avec Progress M-39, en mai 1998.

5. Le lanceur Soyouz-FG

En 1998, l'Agence Spatiale Russe (RKA) lance le développement d'une version améliorée de Soyouz-U, appelée Soyouz-FG (11A511U-FG). Elle est dotée de moteurs modifiés qui sont équipés de nouvelles têtes d'injection (en Russe « Forsounotchnyie Golovki », ou Форсуночные Головки, c'est l'origine du nom de ce lanceur).

Cette modification permet de gagner 300kg sur la charge utile en orbite basse, ce qui la porte à 7150kg. Soyouz-FG est testée avec trois vaisseaux automatiques Progress M1, puis elle est utilisée pour tous les vaisseaux habités Soyouz TMA et Soyouz TMA-M à partir d'octobre 2002.

6. Le lanceur Soyouz-2.1a

Dans un avenir relativement proche, les vaisseaux Soyouz MS (11F732A48) seront mis sur orbite par des lanceurs Soyouz-2.1a.

Bibliographie

[1] SEMIONOV, Y., На рубеже двух веков, p. 642
[2] Ibid., p. 637
[3] CHINKOVITCH, O., Прекращение эксплуатации Союз-У2, Novosti Kosmonavtiki n°12-1996


Dernière mise à jour : 30 septembre 2016