Soyouz | Distribution électrique

Le Système d'Alimentation Electrique SEP du vaisseau Soyouz permet de fournir de la puissance à n'importe quel moment de la mission.

1. Historique

Le développement du Système d'Alimentation Electrique SEP (Система Электропитания) du vaisseau Soyouz a été confié par l'OKB-1, le maître d'œuvre, au bureau d'études VNIIT de Nikolaï LIDORENKO (aujourd'hui NPP Kvant). Il s'agissait de la première utilisation opérationnelle au monde de panneaux solaires sur un vaisseau habité, tous les prédécesseurs de Soyouz utilisant uniquement des batteries ou, dans le cas des vaisseaux américains, des piles à combustible.

La première version de Soyouz (11F615) est équipée de deux ailes solaires et de batteries chimiques (quatre en fonctionnement normal, et quatre autres en secours), qui sont rechargées lors des phases ensoleillées de l'orbite afin d'alimenter le vaisseau lors des phases d'ombre. Ce système fonctionne correctement lors des deux premiers vols d'essai inhabités mais, lors du vol de Soyouz-1, l'un des panneaux solaires ne se déploie pas après la mise sur orbite.

Fig. 1.1 : Un panneau solaire de l'un des premiers Soyouz.
Crédit : Космический испытатель.

L'utilisation des panneaux solaires est reconduite sur la seconde version du vaisseau, 7K-T (11F615A8), destinée à desservir les stations orbitales DOS. Après l'accident de Soyouz-11, en juin 1971, le Ministère des Machines Générales (MOM) décide de rendre obligatoire l'utilisation de scaphandres de protection, ce qui augmente considérablement la masse à emporter. Le format des équipages est réduit de trois à deux cosmonautes, mais ce n'est pas suffisant et les panneaux solaires doivent être supprimés.

Les vaisseaux 7K-T étant destinés uniquement à transporter - pendant deux jours - les équipages vers les stations DOS, les batteries seront suffisantes. Un premier vol d'essai inhabité sans panneau solaire est réalisé le 15 juin 1973 avec le vaisseau Cosmos 573. Tous les vols après lui se feront sans panneaux solaires, à l'exception de Soyouz-13 et Soyouz-22, qui ne peuvent pas s'en passer car ils réalisent des vols autonomes de huit jours.

Fig. 1.2 : Le vaisseau Soyouz-31, sans panneau solaire, amarré à la station Saliout-6.
Crédit : TASS.

La version adaptée du Soyouz (11F615A9) pour la desserte des stations Almaz sera elle aussi dépourvue de panneaux solaires. En revanche, la version Soyouz-M (11F615A12), développée dans le cadre du programme Apollo-Soyouz (EPAS), doit en être équipée pour atteindre l'autonomie nécessaire au vol américano-soviétique de 1975.

Fig. 1.3 : Soyouz-19, avec ses panneaux solaires, photographié depuis le vaisseau Apollo.
Crédit : TASS.

Le vaisseau Soyouz de deuxième génération, baptisé Soyouz T (11F732), a lui aussi une paire de panneaux solaires. Le développement du système électrique est dirigé par le département 323 du TsKBEM [1], qui sous-traite la réalisation des panneaux à NPP Kvant. Ceux-ci resteront inchangés sur les versions Soyouz TM (11F732A51) et Soyouz TMA (11F732A17).

Fig. 1.4 : Soyouz T-4 amarré à la station Saliout-7.
Crédit : TASS.

Mais au début des années 2000, RKK Energuia (anciennement TsKBEM) souhaite moderniser le système électrique de son Soyouz. En effet, les nouvelles versions du vaisseau bénéficient de nouveaux systèmes et, en conséquence, elles consomment beaucoup plus d'énergie. Alors qu'un Soyouz T se contentait de 8A, un Soyouz TMA-M a besoin d'un courant de 14,2A [6].

Pour faire face à cette situation, les vaisseaux doivent utiliser leurs batteries de secours même en situation normale. En 2005, le vaisseau Soyouz TMA-5 connait un incident peu avant son retour sur Terre. L'une de ses batteries de secours n'arrive pas à se charger à son maximum, et la descente doit être entamée en se reposant uniquement sur les batteries principales.

Une étude menée par NPP Kvant en 2009 montre que, dans le cas où un retour sur Terre devrait être mené en utilisant uniquement les batteries de secours, la tension descendrait jusqu'à 23,8V, c'est-à-dire très près de la limite autorisée de 23V [6].

RKK Energuia demande donc à NPP Kvant de trouver une solution pour que Soyouz puisse accomplir son vol autonome en utilisant uniquement les batteries normales, qu'il soit capable de rentrer sur Terre en utilisant uniquement les batteries de secours, et que la tension ne descende jamais en deçà de 25V en fonctionnement normal [6]. En décembre 2011, Soyouz TMA-03M est le premier vaisseau à être équipé du système modernisé, dont le développement a coûté 16,29 millions de roubles [6].

Fig. 1.5 : L'une des ailes solaires de Soyouz TMA-03M sur orbite.
Crédit : Roscosmos.

En 2014 et 2015, deux vaisseaux - Soyouz TMA-14M et Soyouz TMA-17M - sont victimes d'un dysfonctionnement du mécanisme de déploiement des ailes solaires. Les analyses montrent que le défaut est dû à un jeu trop faible entre deux pièces du mécanisme. RKK Energuia avait récemment inauguré une nouvelle machine-outil pour fabriquer ce système. Elle permettait d'améliorer la précision, mais avait induit ce défaut [7].

Fig. 1.6 : Soyouz TMA-14M et Soyouz TMA-17M avec une seule aile solaire déployée.
Crédit : Roscosmos.

2. Descriptif technique

2.1. Généralités

Le système électrique SEP du vaisseau Soyouz est constitué de trois sources de puissance et d'un ensemble de contrôle-commande. Il fonctionne de façon automatique, mais l'équipage peut réaliser des actions si besoin.

Quand le vaisseau Soyouz est amarré à la station orbitale, l'équipage actionne la commande ALIMENTATION UNIFIEE. A partir de cet instant, c'est le réseau de la station qui alimente celui du vaisseau, et les panneaux solaires sont déconnectés. Les batteries restent connectées et sont prêtes à prendre le relais en cas de problème [3].

Fig. 2.1.1 : Schéma général de la distribution électrique du vaisseau Soyouz.
Crédit : Soyuz/Progress Data Book.

La tension nominale du réseau électrique du vaisseau Soyouz est de 27V, et elle peut évoluer entre 23V et 34V [3].

Fig. 2.1.2 : Evolution de la charge des batteries lors de la descente d'un vaisseau Soyouz.
Crédit : RKK Energuia.

2.2. Les sources de puissance

2.2.1. Les panneaux solaires

Le vaisseau Soyouz possède deux ailes solaires fixées sur le Compartiment des Machines et des Instruments (PAO). Sur les vaisseaux de seconde génération (Soyouz T et au-delà), elles sont constituées chacune de quatre panneaux. Du point de vue électrique, les cellules photovoltaïques sont divisées en un panneau SB1, constitué de la partie inférieure des deux ailes, et d'un panneau SB2, constitué de leurs parties supérieures [3].

Fig. 2.2.1.1 : Schéma des panneaux solaires.
Crédit : Soyuz Crew Operations Manual.

Les sections SB1 et SB2 sont connectées en série. Il est possible de déconnecter l'aile gauche. Les deux ailes ont une surface totale de 10m2 [3]. Quand ils sont orientés face au Soleil avec une précision de ±10°, les panneaux génèrent un courant de 26A sous une tension de 34V [2].

Lors du lancement, les deux ailes solaires sont en position repliée afin de respecter le volume disponible sous la coiffe du lanceur. Après la mise sur orbite, elles sont déployées selon le programme n°4 du programmeur APVU [3]. Chaque aile solaire a une longueur de 4,1m et une largeur de 1,4m. Les deux ailes réunies abritent une surface totale de 8m2 de cellules photovoltaïques, avec une surface utile de 7,2m2 [5].

Fig. 2.2.1.2 : Schéma des panneaux solaires en position repliée.
Le vaisseau Soyouz est ici vu de derrière.
Crédit : Soyuz Crew Operations Manual.

Les cellules photovoltaïques sont en silicium monocristallin [5]. Cette technologie a l'avantage d'offrir un rendement élevé, mais elle est très coûteuse.

Fig. 2.2.1.3 : Inspection d'une aile solaire de Soyouz MS-04.
Crédit : Roscosmos.

En décembre 2011, le vaisseau Soyouz TMA-03M inaugure un nouveau type de cellules qui offrent une efficacité énergétique supérieure de 14,5% à celles utilisées jusque là. Par ailleurs, bien que la structure des ailes solaires reste inchangée, elles abritent 1m2 supplémentaire de cellules photovoltaïques. Le courant fourni par les panneaux solaires passe ainsi de 26A à 35A. La masse totale des cellules passe de 32kg à 33kg [6].

2.2.2. Les batteries

Le vaisseau Soyouz dispose de quatre caissons étanches appelés Blocs 906V. Chacun d'eux contient une batterie tampon BB (Буферная Батарея) et une batterie de secours RB (Резервная Батарея). Les quatre caissons sont disposés à la base du Compartiment des Machines et des Instruments (PAO). Chacun d'eux contient également un réchauffeur électrique qui maintient la température des batteries à une valeur d'environ 10°C [2].

Les BB et les RB sont des batteries à l'oxyde d'argent (Ag-Zn). Cette technologie a l'avantage d'offrir une tension de sortie quasiment constante quelle que soit la charge de la batterie.

Fig. 2.2.2.1 : Vu de l'un des Blocs 906V sur le vaisseau Soyouz TMA-M.
Crédit : RKK Energuia.

Les BB sont chargées par les panneaux solaires quand ils fournissent un courant supérieur au courant tiré par les utilisateurs. Quand le courant fourni par les panneaux est inférieur au courant consommé, les BB débitent dans le réseau électrique du vaisseau. Elles ont une capacité totale de 340A.h et peuvent subir cent cycles de charge/décharge [2]. Après un séjour de 200 jours sur orbite, leur capacité n'est plus que de 270A.h [5].

Les RB, quant à elles, ont une capacité de 280A.h (230A.h après 200 jours d'inactivité [5]). Elles débitent sur le réseau du vaisseau si sa tension est inférieure à 24,3V, ou sur demande du système de contrôle lors de phases particulièrement consommatrices d'énergie [2].

Le système électrique modernisé inauguré par Soyouz TMA-03M possède un cinquième Bloc 906V, ce qui porte la capacité totale des BB de 340A.h à 420A.h au prix d'une augmentation de la masse de 56kg [6].

Fig. 2.2.2.2 : Emplacement du cinquième Bloc 906V.
Crédit : RKK Energuia.

Fig. 2.2.2.3 : Vue de l'arrière du vaisseau Soyouz MS-05.
Le cinquième Bloc 906V est bien visible.
Crédit : RKK Energuia.

Le Compartiment de Descente (SA) des vaisseaux Soyouz possède sa propre batterie, appelée BSA (Батарея СА) ou Bloc 909A, qui lui permet de rester alimenté après la séparation des compartiments, lors de la descente. La BSA ne peut pas être rechargée. Elle a une capacité de 100A.h après un séjour de 180 jours sur orbite, ce qui est suffisant pour assurer un retour sur Terre en toute sécurité, qui ne consomme que 35A.h en temps normal [2]. Sa masse est de 47kg [5].

Deux batteries, appelées Bloc 907 et Bloc 907-I et situées dans le Compartiment de Vie (BO) permettent d'alimenter les charges pyrotechniques qui assurent la séparation du BO et du SA. Elles ont une capacité de 4A.h et une masse de 7kg [5]. Deux autres batteries, Bloc 810B et Bloc 811, assurent l'alimentation des automatismes du Système de Sauvetage d'Urgence (SAS) [2].

2.3. Le contrôle-commande

A l'aide de l'Indicateur de Tension et de Courant INTZ-1, situé sur le tableau de bord, l'équipage peut lire à tout instant la tension du réseau électrique (position 40V), le courant de sortie des panneaux solaires (position зар.40А) et le courant consommé (position нагр.80А). Quand le vaisseau est en mode passif (amarré à la station orbitale), l'indicateur est à l'arrêt (position откл.) [3].

Fig. 2.3.1 : Position de l'INTZ-1 sur le tableau de bord de Soyouz TM.
Musée Polytechnique de Moscou. Crédit : Nicolas PILLET.

L'INTZ-1 a une masse de 300g et une précision de 1,5% [4]. Sur les versions du vaisseau équipées du tableau de bord numérique Neptune-ME (à partir de Soyouz TMA), cet indicateur n'existe plus.

Fig. 2.3.2 : Schéma de l'indicateur INTZ-1.
Crédit : TIAPTCHENKO.

Trois Compteurs Intégrateurs d'Ampère-heure ISA (Интегрирующий Счетчик Амперчасов) permettent de mesurer le courant circulant dans les différentes batteries, en tenant compte du signe. Les compteurs ISA-7I et ISA-7II mesurent le courant sortant respectivement des BB et des RB. Leurs informations sont transmises par télémétrie au sol. Le troisième compteur, ISA-4, permet de commander la mise en service des panneaux solaires SB1 et SB2 quand 50A.h ont été consommés dans les batteries BB [2].

Les compteurs ISA prennent leurs informations aux bornes de quatre résistances Rш1 à Rш4, qui transforment les courants en des signaux de tension. Les résistances forment le Bloc de Shunt BCh (Блок Шунтов) [2].

Par ailleurs, la tension aux bornes des batteries BB est surveillée par quatre voltmètres, qui constituent l'ensemble BD-M (Блок Датчиков). Ces voltmètres envoient des commandes à un boîtier de commutation appelé BKIP (Блок Коммутации Источников Питания) [2][3] :

- Quand la tension atteint la valeur de 34,2V, le voltmètre MK34 permet de couper l'alimentation des BB par les panneaux solaires afin de ne pas les surcharger.

- Quand la tension descend jusqu'à la valeur de 28V, le voltmètre MN28 envoie le signal qui connecte les panneaux solaires aux BB.

- Si la tension descend jusqu'à 24,3V, le voltmètre MN24 envoie le signal TENSION BASSE qui s'affiche sur le tableau de bord. Ce signal provoquera également le délestage de certains utilisateurs non essentiels et la mise en service des batteries de secours RB.

- Si la tension descend jusqu'à 23,6V, le voltmètre MN23 envoie un nouvel ordre de délestage.

Bibliographie

[1] SEMIONOV, Y., РКК « Энергия » им. С.П. Королева, Vol. 1, p. 214
[2] Soyuz/Progress Data Book
[3] Soyuz Crew Operations Manual
[4] TIAPTCHENKO, Y., Системы отображения информации типа «Сириус» космических аппаратов "Союз-7К", "Союз-А8", "Союз-М", станций «ДОС-17К»
[5] ZERNOV, A., et al., Системы электропитания космических аппаратов, Avtonomnaïa energuetika n°26/2009
[6] ZELENCHTCHIKOV, N., Модернизация системы электропитания корабля "Союз ТМА", avril 2010
[7] SOLNTSEV, V., РКК "Энергия" во втором десятилетии XXI века, p. 124


Dernière mise à jour : 20 février 2018