Bloc L | Descriptif technique

1. Généralités

Le Bloc L et ses dérivés était utilisé comme étage supérieur sur les lanceurs Molnia (8K78) et Molnia-M (8K78M). Développé par l'OKB-1 sous la direction de Sergueï KRIOUKOV, il a volé à trois-cents-vingt reprises entre 1960 et 2010. A partir de 1965, c'est la NPO Lavotchkine qui a en avait la maîtrise d'œuvre.

Le Bloc L est constitué d'un compartiment des ergols, d'un moteur principal et d'un compartiment de transfert qui le relie au Bloc I. Il abrite par ailleurs un système d'orientation et de stabilisation (SOIS) et un système de démarrage (BOZ) [1].

L'étage a une masse à vide de 915kg, à laquelle il faut ajouter les 331kg du système BOZ. La charge d'ergols admise dans les réservoirs est de 3750kg, ce qui amène à un total de 4996kg. La hauteur est de 3500mm, et le diamètre maximal de 2350mm [2]. Le Bloc L est embarqué sous la coiffe du lanceur.

2. Le compartiment des ergols

Il est constitué de deux réservoirs toriques, l'un pour le kérosène, l'autre pour l'oxygène liquide. Les deux réservoirs sont éloignés de 600mm et sont calorifugés afin d'assurer une température correcte des ergols pendant la mission sur orbite [1].

3. Le compartiment de transfert

Ce compartiment, constitué d'une structure en treillis, relie le Bloc L au Bloc I (troisième étage du lanceur). Il abrite le système de démarrage BOZ et est largué après la mise en service du moteur principal.

Fig. 3.1 : Vue du compartiment de transfert du Bloc L.
Filiale d'Orevo du MGTU Baoumann. Crédit : Nicolas PILLET.

3.1. Le système BOZ

Le Bloc L est tout d'abord mis sur orbite par les trois premiers étages du lanceur, et son moteur est mis en service après une phase inactive sur orbite, qui peut durer jusqu'à 90 minutes [3]. L'allumage du moteur doit donc se faire dans des conditions de microgravité préjudiciables au bon comportement des ergols liquides.

Afin de contourner ce problème, l'étage est équipé du système de démarrage BOZ (Блок Обеспечения Запуска), qui comprend quatre moteurs à ergols solides 14D80 [5]. Ils sont mis en service 69,4 minutes après le largage du Bloc L et, dix-neuf secondes après leur allumage, le moteur S1.5400 est lui-même démarré [1]. Vingt-et-une secondes plus tard, le compartiment de transfert est largué afin de réduire la masse à accélérer [4].

Fig. 3.1.1 : Un moteur à ergols solides du Bloc L.
Filiale d'Orevo du MGTU Baoumann. Crédit : Nicolas PILLET.

3.2. Le système SOIS

Le Système d'Orientation et de Stabilisation (Система Ориентации и Стабилизации) permet de contrôler l'orientation du Bloc L durant la phase de croisière, c'est à dire entre la séparation du Bloc I et l'allumage du moteur S1.5400.

4. Motorisation

4.1. Généralités

Le Bloc L est équipé d'un unique moteur S1.5400, développé par le Département n°12 de l'OKB-1 sous la direction de Mikhaïl MELNIKOV. Il a plus tard évolué pour devenir le S1.5400A1 (11D33), puis le 11D33M. Il s'agit du premier moteur au monde à utiliser la technologie du cycle fermé, qui consiste à brûler une partie des ergols dans un générateur de gaz pour entraîner la turbine, puis à les récupérer dans la chambre de combustion pour participer à la poussée.

Fig. 4.1.1 : Le moteur S1.5400A1.
Crédit : DR.

Le S1.5400 utilise l'oxygène liquide comme comburant, et le kérosène T-1 comme carburant, et l'allumage se fait par des moyens pyrotechniques [6]. L'unique chambre de combustion est montée sur un cardan, qui permet de l'orienter de ±3° selon les axes de tangage et de lacet. L'orientation selon l'axe de roulis est réalisée par deux moteurs verniers [1].

Fig. 4.1.2 : Schéma du moteur S1.5400.
Crédit : Изучение изделия С1.5400.

Fig. 4.1.3 : Le moteur S1.5400 sur le Bloc L.
Filiale du MGTU Baoumann à Orevo. Crédit : Nicolas PILLET.

ParamètreValeur
Poussée nominale 66,700kN
Impulsion spécifique dans le vide 341"
Ratio massique des ergols 2,4
Débit d'oxygène liquide dans la turbopompe 14,272kg/s
Débit d'oxygène liquide dans la chambre 14,037kg/s
Débit d'oxygène liquide dans les moteurs verniers 0,029kg/s
Débit d'oxygène liquide pour la pressurisation des réservoirs 0,06kg/s
Débit de kérosène dans la turbopompe 5,973kg/s
Débit de kérosène dans la chambre 5,128kg/s
Débit de kérosène dans les moteurs verniers 0,16kg/s
Débit de kérosène pour la pressurisation des réservoirs 0,039kg/s
Tableau 4.1.1 : Caractéristiques du moteur S1.5400 (donnée [6])

4.2. La chambre de combustion

La chambre de combustion est présentée sur la figure 4.2.1. (repère 6). Elle est précédée d'une tête d'injection (1), et prolongée d'une tuyère (9). La partie extérieure de la chambre est en titane, la partie intérieure en cuivre et la tête d'injection en acier [6].

La tête de la chambre est constituée de la partie supérieure (2), de la partie intermédiaire (3) et de la zone d'allumage (5). Le kérosène circule d'abord dans la zone d'allumage pour la refroidir, puis dans le déflecteur (4) pour arriver dans la zone de pré-injection. L'oxygène, quant à lui, traverse une grille (10) percée de 117 trous de 6mm de diamètre [6].

Fig. 4.2.1 : Schéma de la chambre de combustion du moteur S1.5400.
Crédit : Изучение изделия С1.5400.

L'oxygène arrive dans la chambre via un injecteur (11) constitué de 114 trous, et le kérosène via un injecteur (12) constitué de 109 trous. L'oxygène est également utilisée pour refroidir la partie cylindrique de la chambre de combustion, autour de laquelle elle circule dans 330 tuyaux de 1,01mm de diamètre [6].

ParamètreValeur
Pression dans la chambre 5,36MPa
Pression à l'entrée de la ligne de kérosène dans la chambre 858,3MPa
Diamètre de la section critique 91mm
Diamètre maximal de la tuyère 858,3mm
Diamètre de la chambre 219mm
Volume de la chambre 11,43L
Masse de la chambre 47kg
Tableau 4.2.1 : Caractéristiques de la chambre de combustion du moteur S1.5400 (donnée [6])

4.3. La turbopompe

L'ensemble de la turbopompe, montré sur la figure 4.3.1) est constitué d'une pompe de kérosène (12), d'une pompe d'oxygène (11), d'une turbine principale (10) et d'une turbine de lancement (1). La pompe de kérosène est de type centrifuge et est constituée de douze aubes. La pompe d'oxygène, également centrifuge, ne comporte que huit aubes. La turbine de lancement est démarrée par un starter pyrotechnique [6].

Fig. 4.3.1 : Schéma de la turbopompe du moteur S1.5400.
Crédit : Изучение изделия С1.5400.

ParamètreValeur
Pression à l'admission de la turbine 10,4MPa
Pression au refoulement de la turbine 7,62MPa
Température à l'entrée de la turbine 690K
Température à la sortie de la turbine 650K
Débit 14,59kg/s
Vitesse 24000tr/min
Tableau 4.3.1 : Caractéristiques de la turbopompe du moteur S1.5400 (donnée [6])

4.4. Le générateur de gaz

Le générateur permet de brûler une partie de l'oxygène liquide afin de produire un gaz qui servira à l'entraînement de la turbine de la turbopompe. Il fournit un débit de 14,52kg/s et une pression de 10,2MPa [6].

Un mélange d'oxygène et de kérosène (rapport 20) est d'abord admis dans le générateur, et la combustion a lieu. Du fait qu'il y a beaucoup plus d'oxygène que de kérosène, une partie de l'oxygène n'est pas brûlée. Elle est alors dirigée vers le mélangeur, où elle retrouve les produits de combustion (le rapport oxygène/kérosène est alors de 58) [6].

Fig. 4.4.1 : Schéma du générateur de gaz du moteur S1.5400.
Crédit : Изучение изделия С1.5400.

4.5. Les moteurs verniers

La tuyère principale du moteur S1.5400 ne peut s'orienter qu'en tangage et en lacet. L'orientation du Bloc L selon l'axe de roulis est assurée par deux moteurs verniers qui fournissent une poussée de 10kgf chacun, et peuvent basculer de ±45° [1].

Fig. 4.5.1 : Un moteur vernier du moteur S1.5400.
Musée de l'Institut Polytechnique de Kiev. Crédit : Nicolas PILLET.

5. Système de contrôle

Le Bloc L est commandé par un système de contrôle fourni par le NPTs AP. Pour les lancements des sondes lunaires E-6, il était commandé par le système de contrôle I-100 de la sonde elle-même.

L'orientation est mesurée par les instruments KI55-25, KI21-19, KI00-12 et KI22-40, fournis par le NII PM [9].

6. Système de télémétrie

Le Bloc L est équipé du système de télémétrie Tral P1 fourni par l'OKB MEI [7]. A un certain moment, le Tral P1, a été remplacé par le système BR-93PL1 fourni par IRZ [8]. Ensuite, à partir du lancement du 2 avril 2003, c'est le système BR-91TsK-M3, également fourni par IRZ, qui est utilisé [8].

Bibliographie

[1] RAOUCHENBAKH, B. Королев и его дело, pp. 603-605
[2] PITCHKHADZE, K., Космический полет НПО им. С.А. Лавочкина, Moscou, 2010, pp. 142-143
[3] SEMIONOV, Y., РКК "Энергия" им. С.П. Королева, Vol. 1, pp. 138-145
[4] LISSOV, I., Запущены "Интербол-2", "Магион-5" и "Mu-Sat", Novosti Kosmonavtiki n°18-1996
[5] Le forum de Novosti Kosmonavtiki
[6] FILIMONOV, Y., CHEBTCHOUK, V., Учебно-методическое пособие по лабораторной работе - "Изучение изделия С1.5400", Leningrad, 1986
[7] POROCHKOV, V., Ракетно-космический подвиг Байконура, Moscou, 2007, p. 143
[8] MOKHOV, V., В полете - военный спутник связи, Novosti Kosmonavtiki n°06-2003
[9] Точные приборы НИИ ПМ, journal du TsENKI n°8


Dernière mise à jour : 2 avril 2018