Mir EO-8 | Chronologie

1. Lancement du vaisseau spatial Soyouz TM-11

Le 45ème lanceur Soyouz-U2 (11A511U-2 n°Г15000-046) décolle du pas de tir n°5 (17P32-5) de la zone n°1 du cosmodrome de Baïkonour le 2 décembre 1990 à 08h13'32,102" GMT.

La charge utile est constituée du vaisseau spatial Soyouz TM-11 (11F732A51 n°61), qui est placé avec succès sur une orbite basse (194km x 224km x 51,61°). Son équipage est constitué du commandant Viktor AFANASSIEV, de l'ingénieur de bord Moussa MANAROV et du cosmonaute-expérimentateur japonais Toyohiro AKIYAMA.

Fig. 1.1 : Décollage de Soyouz TM-11, 2 décembre 1990.
Crédit : TASS.

Après la séparation du vaisseau de son lanceur, l'une des antennes du système de rendez-vous automatique Kours refuse de se déployer. Le problème se résout de lui-même après quelques orbites.

Notons que la navette spatiale américaine Columbia STS-35 avait décollé du centre spatial Kennedy à 06h49'01,022" GMT. C'est la deuxième fois dans l'Histoire que deux vaisseaux spatiaux habités décollent le même jour (la première était lors de la mission internationale Apollo-Soyouz de juillet 1975).

Soyouz TM-11 s'amarre sur le PKhO de Mir le 4 décembre 1990 à 09h57'09" GMT à l'aide du système automatique Kours. Les cosmonautes retrouvent l'équipage EO-7, constitué de Guennadi MANAKOV et Guennadi STREKALOV. Le 5 décembre, la couchette Kazbek-U d'AKIYAMA est transférée dans le vaisseau Soyouz TM-10. Le 10 décembre 1990, après une période de transition d'une semaine, les cosmonautes de EO-7 rentrent sur Terre avec AKIYAMA à bord de Soyouz TM-10, qui était amarré sur le module Kvant.

2. La première sortie dans l'Espace

Lors de leur sortie dans l'Espace du 17 juillet 1990, les cosmonautes SOLOVIOV et BALANDINE (EO-6) avaient gravement endommagé l'écoutille du sas du module Kvant-2 (ChSO), au point d'empêcher sa fermeture.

Les deux cosmonautes étaient finalement parvenus à la refermer lors de leur sortie du 26 juillet 1990, mais la réparation n'était que temporaire. L'équipage EO-7 avait ensuite réalisé une inspection lors de la sortie du 29 octobre 1990, et en avait conclu qu'ils ne pourraient pas réparer faute de disposer des outils nécessaires.

C'est donc au nouvel l'équipage EO-8 qu'il appartient de tenter ces réparations. Le 4 janvier 1991, après avoir célébré la nouvelle année, les cosmonautes commencent à préparer leurs scaphandres.

AFANASSIEV (Orlan-DMA n°6) et MANAROV (Orlan-DMA n°10) commencent leur première sortie dans l'Espace le 7 janvier 1991. Ils sortent par le ChSO de Kvant-2, en utilisant l'écoutille qu'ils doivent justement réparer.

Les réparations portent sur une charnière endommagée, qui est la principale cause du problème. Les cosmonautes dévissent quatre boulons pour la démonter, et ils en installent une nouvelle à la place.

Environ quatre heures après le début de la sortie, ils rentrent dans le sas et tentent de fermer l'écoutille. Tout se passe correctement, et ils peuvent l'ouvrir à nouveau pour poursuivre la sortie.

Ils doivent tout d'abord extraire du sas et fixer sur la coque du module de base un support qui accueillera le mât de charge GSt-II. Ils récupèrent ensuite la cassette d'échantillons Danko, qui avait été installée sur Kvant-2 par EO-5 lors de la sortie du 26 janvier 1990.

Ils récupèrent aussi la caméra scientifique biélorusse Gamma-2, dont ils devront changer un objectif (cette opération doit être réalisée à l'intérieur, car la caméra est pressurisée). Cette caméra avait été installée sur la plate-forme ASP-G-M de Kvant-2 par EO-5, également lors de la sortie du 26 janvier 1990.

Ils n'ont alors plus qu'à rentrer dans le sas de Kvant-2, après une sortie réussie de 5h18.

3. Arrivée du vaisseau Progress M-6

Le vaisseau de ravitaillement Progress M-6 décolle du cosmodrome de Baïkonour le 14 janvier 1991 et vient s'amarrer sur le module Kvant le 16 janvier 1991 à 16h35'23" GMT. Le rendez-vous est réalisé à l'aide du système automatique Kours. Les cosmonautes ne le savent pas encore, mais c'est la dernière fois avant plusieurs mois que celui-ci fonctionne correctement.

Le principal matériel apporté par Progress M-6 est le mât de charge GSt-II, qui va être installé à l'extérieur du module de base d'ici quelques jours.

4. La deuxième sortie dans l'Espace

AFANASSIEV (Orlan-DMA n°6) et MANAROV (Orlan-DMA n°10) débutent leur deuxième sortie dans l'Espace le 23 janvier 1991. Ils utilisent le sas (ChSO) du module Kvant-2, dont ils ont réparé l'écoutille lors de la sortie précédente.

Lors de cette sortie, et de la suivante, ils ont pour principal objectif d'installer le mât de charge GSt-II, développé par la NPO Energuia. Il s'agit d'un mât déployable de 14m de long qui peut déplacer des charges de 700kg maximum d'un point de Mir à un autre.

Les cosmonautes mettent environ une heure à transférer les différents éléments de Kvant-2 vers le module de base, puis ils commencent à monter le mât sur le support qu'ils avaient mis en place lors de la sortie du 7 janvier.

Fig. 4.1 : Vue du module de base, où l'on distingue le
GSt-II installé par AFANASSIEV et MANAROV.
STS-81, janvier 1997. Crédit : NASA.

L'opération se déroule beaucoup plus rapidement que prévu, et ils parviennent à la terminer avant la fin de la sortie. Quand l'installation est achevée, ils essayent de déployer le mât afin d'en vérifier la stabilité, et ils le parquent sur le module Kvant-2, de façon à pouvoir s'y accrocher lors de leur retour vers le sas.

Avant de rentrer, ils récupèrent la cassette d'échantillons de l'expérience Ferrit, qui avait été déposée sur Kvant-2 par EO-5 lors de la sortie du 26 janvier 1990, et ils installent l'expérience Sprout-5, destinée à l'étude des radiations. La sortie a duré 5h33.

5. La troisième sortie dans l'Espace

La troisième sortie dans l'Espace a lieu seulement trois jours plus tard, le 26 janvier 1991. AFANASSIEV (Orlan-DMA n°6) et MANAROV (Orlan-DMA n°10) sortent par le ChSO de Kvant-2 et, à l'aide du mât GSt-II fraîchement installé, ils se dirigent immédiatement vers le module Kvant pour mettre en place deux supports destinés à accueillir les panneaux solaires MSB, actuellement montés sur le module Kristall.

Fig. 5.1 : Vue de Kvant, où l'on distingue l'un
des supports installés par AFANASSIEV et MANAROV.
STS-74, novembre 1995. Crédit : NASA.

Mais cette opération prend deux fois plus de temps que prévu, car les supports ne s'emboîtent pas correctement sur Kvant, et les cosmonautes doivent utiliser un marteau.

Fig. 5.2 : Une réplique des supports de panneaux solaires de Kvant.
Musée de la RKK Energuia. Crédit : Nicolas PILLET.

Quand ils ont terminé, ils installent des réflecteurs lasers sur le module Kvant. Ceux-ci seront utilisés lors des manœuvres de rendez-vous de la navette spatiale Bourane. Les deux cosmonautes ne le savent pas encore mais, lors de cette dernière activité, ils ont gravement endommagé l'une des antennes du module Kvant à proximité de laquelle ils travaillaient. Ils rentrent ensuite dans le sas, après une sortie de 6h20.

6. Arrivée du vaisseau Progress M-7

Le 6 février 1991, Moussa MANAROV bat le record de Youri ROMANENKO et devient l'Homme à avoir passé le plus de temps dans l'Espace : 430 jours. Le 7 mars, les cosmonautes font passer par un petit sas de Mir un mât équipé d'un capteur magnétique. Cette expérience, appelée Diagrama, a pour but de caractériser l'environnement magnétique autour de la station.

Le vaisseau de ravitaillement Progress M-6 se sépare du module Kvant le 15 mars 1991. Son successeur, Progress M-7 décolle de Baïkonour quatre jours plus tard, le 19 mars 1991. Il arrive en vue de Mir le 21 mars, mais alors qu'il n'en est plus qu'à environ 500m, le système automatique Kours détecte une déviation de trajectoire et interrompt la manœuvre.

Le TsUP pense que la déviation provient d'un mauvais équilibrage de la cargaison, et pour la prochaine tentative, qui a lieu le 23 mars 1991, les ingénieurs élargissent légèrement le couloir dans lequel le vaisseau est autorisé à se déplacer, et ce afin de ne pas déclencher l'interruption du rendez-vous.

Fig. 6.1 : Mir vue de Progress M-7, lors de son approche chaotique.
Crédit : Станция Мир. Седьмая, восьмая, девятая основные экспедиции.

Mais cette deuxième tentative finit comme la première car, à une distance d'environ 20m, le TsUP détecte à nouveau un mauvais angle d'approche, et un ingénieur envoie la commande manuelle d'annulation du rendez-vous.

Il est maintenant clair que le système Kours est défaillant. La question est de savoir si le problème vient de la partie passive (Kours-P) du module Kvant, ou bien de la partie active (Kours-A) du vaisseau Progress M-7. Il n'y a qu'un moyen d'en être sûr : tenter une approche de Kvant avec un autre vaisseau.

Ainsi, le 26 mars 1991, AFANASSIEV et MANAROV embarquent à bord de leur Soyouz TM-11. Ils le séparent du PKhO à 10h12'00" GMT et se positionnent derrière le module Kvant, d'où ils laissent leur système Kours-A diriger l'approche. Et le problème rencontré par Progress M-7 se renouvelle : Soyouz TM-11 dévie de sa trajectoire théorique. Le dysfonctionnement se situe donc bien au niveau du Kours-P de Kvant. En attendant de le corriger, AFANASSIEV prend les commandes manuelles et amarre Soyouz TM-11 à Kvant à 10h58'59" GMT.

Fig. 6.2 : Mir vue de Soyouz TM-11, 26 mars 1991.
Crédit : TASS.

Le PKhO de Mir est donc maintenant libre, et le vaisseau Progress M-7 a donc enfin un endroit où venir s'amarrer. Il accoste le 28 mars 1991 à 12h02'58" GMT.

7. La quatrième sortie dans l'Espace

A partir du 13 avril 1991, les deux cosmonautes commencent à se préparer en vue d'une sortie dans l'Espace non planifiée dans le but d'inspecter les antennes du Kours-P de Kvant. Le 15 avril, des ergols sont pompés depuis les réservoirs du module de base jusque dans ceux de Progress M-7, afin que celui-ci puisse se désorbiter (il avait consommé plus d'ergols que le normale étant donné qu'il a réalisé trois tentatives pour s'amarrer à Mir).

La quatrième sortie dans l'Espace de la mission EO-8 a lieu le 25 avril 1991. AFANASSIEV (Orlan-DMA n°6) et MANAROV (Orlan-DMA n°10) sortent par le ChSO de Kvant-2.

MANAROV se dirige vers le module Kvant, et il constate non sans étonnement que l'antenne 3AO-VKA du système Kours-P n'a plus sa parabole de 23cm de diamètre ! C'est donc elle qui renvoyait de mauvais signaux à Progress M-7, empêchant son amarrage automatique.

Fig. 7.1 : L'antenne 3AO-VKA sans sa parabole, 25 avril 1991.
Le vaisseau Soyouz TM-11 est visible en arrière plan.
Crédit : INA.

La parabole a probablement été arrachée par inadvertance lors de la sortie du 26 janvier 1991. Il incombera à l'équipage suivant (EO-9) de procéder aux réparations, car pour l'heure les cosmonautes n'ont pas le matériel nécessaire avec eux. De toute façon, la situation n'est pas urgente : les vaisseaux Soyouz peuvent s'amarrer manuellement à Kvant, et les Progress peuvent s'amarrer en automatique au PKhO.

Pendant ce temps, AFANASSIEV installe près du sas un joint dont les ingénieurs veulent vérifier le comportement thermomécanique avant de l'utiliser pour monter la structure Sofora sur le module Kvant. Le commandant remet également en place la caméra vidéo de l'expérience Gamma-2, qui avait été ramenée à bord pour maintenance lors de la sortie du 7 janvier 1991, et il récupère une cassette d'échantillons.

Quand tout cela est terminé, les deux cosmonautes rentrent dans le ChSO de Kvant-2, et ils récupèrent au passage le joint thermomécanique. La sortie aura duré 3h34. Il semblerait qu'après son retour sur Terre, MANAROV ait été réprimandé pour s'être rendu seul sur le module Kvant, transgressant les règles de sécurité qui veulent que les cosmonautes se déplacent toujours à deux.

Le vaisseau Progress M-7 quitte le PKhO de Mir le 6 mai 1991. La capsule Radouga qu'il emportait rencontre un problème majeur et n'est pas récupérée.

Fig. 7.2 : Progress M-7 s'éloigne de Mir, 6 mai 1991.
Crédit : Станция Мир. Седьмая, восьмая, девятая основные экспедиции.

8. Retour sur Terre

L'équipage de relève décolle de Baïkonour à bord du vaisseau spatial Soyouz TM-12 le 18 mai. Il arrive sur le PKhO de Mir le 20 mai 1991 à 14h30'42" GMT. La nouvelle équipe est constituée d'Anatoli ARTSEBARSKI, de Sergueï KRIKALIOV et de la Britannique Helen SHARMAN.

Les deux équipages passent une semaine ensemble et, le 26 mai 1991 à 06h15'39" GMT, le vaisseau Soyouz TM-11 se sépare de Kvant. Il ramène AFANASSIEV, MANAROV et SHARMAN, avec un atterrissage au Kazakhstan, à 68km au sud-est de Dzhezkazgan à 10h04'13" GMT.

Fig. 8.1 : Viktor AFANASSIEV est extrait de Soyouz TM-11, 26 mai 1991.
Crédit : Videocosmos.

La huitième expédition principale vers Mir a duré 175 jours 1 heure 50 minutes 42 secondes.