Mir EO-5 | Chronologie1. Lancement du vaisseau spatial Soyouz TM-8Le 35ème lanceur Soyouz-U2 (11A511U-2 n°Т15000-036) décolle du pas de tir n°5 (17P32-5) de la zone n°1 du cosmodrome de Baïkonour le 5 septembre 1989 à 21h38'02,915" GMT. Pour la première fois dans le cadre d'un vol habité, des panneaux publicitaires sont affichés sur le lanceur et sur le pas de tir. La charge utile est constituée du vaisseau spatial Soyouz TM-8 (11F732A51 n°58), qui est placé avec succès sur orbite basse (198km x 202km x 51,63°). L'équipage est constitué du commandant Aleksandr VIKTORENKO et de l'ingénieur de bord Aleksandr SEREBROV. Fig. 1.1 : Décollage de Soyouz TM-8. VIKTORENKO et SEREBROV arrivent en vue de la station Mir le 7 septembre. Le système automatique Kours dirige la manœuvre d'approche et, quand le vaisseau n'est plus qu'à 4m du module Kvant, toute la station orbitale se met à osciller. Kours interrompt l'opération et VIKTORENKO prend les commandes manuelles. Il recule à une distance de sécurité à 20m de Mir et, ne détectant rien d'anormal, retente l'approche. L'amarrage au module Kvant se déroule sans incident le 7 septembre 1989 à 22h25'26" GMT. A ce moment, le PKhO du Module de Base est occupé par le vaisseau Progress M depuis le 25 août 1989. Une heure après la jonction, les cosmonautes procèdent à l'ouverture des écoutilles. Mir étant inhabitée depuis le 26 avril 1989, ils doivent redémarrer tous les systèmes de bord. L'une des tâches les plus urgentes est le remplacement de trois batteries par de nouveaux exemplaires amenés par Progress M. Ensuite, VIKTORENKO et SEREBROV passent plusieurs jours à installer de nouveaux logiciels dans l'ordinateur de bord. 2. Opérations de routineA la mi-septembre, VIKTORENKO et SEREBROV procèdent à l'installation de l'instrument Gallar, qui avait été amené par Progress M. Il s'agit d'un four capable de chauffer à des températures comprises entre 400°C et 1300°C des échantillons de 15cm de long et de 2,5cm de diamètre. Il a été développé et construit par la NPO NTs pour le compte du Ministère de l'Industrie Electronique et constitue une version améliorée des précédents fours Koround-1 et Koround-1M qui ont déjà volé sur Saliout-7 et Mir. Dès son premier allumage, Gallar réussit à produire un échantillon de séléniure de cadmium (CdSe), un matériau semi-conducteur. Par la suite, il permettra d'obtenir des échantillons d'arséniure de gallium (GaAs), de tellurure de cadmium (CdTe), d'oxyde de zinc (ZnO) et de Silicium. Mais le premier grand événement de la mission EO-5 sera l'amarrage du deuxième module additionnel, Kvant-2, prévu pour le 23 octobre 1989. Le 29 septembre, VIKTORENKO et SEREBROV préparent le système d'amarrage pour son arrivée. Le lendemain, 30 septembre 1989, ils doivent dormir dans le module Kvant, le mieux protégé contre les radiations, à cause d'une très importante éruption solaire. Les médecins se font du souci concernant l'impact sur la santé des deux hommes, mais il s'avérera finalement qu'ils ne recevront qu'une dose équivalente à deux semaines supplémentaires passées en orbite basse. Au sol, une anomalie est détectée avec des circuits intégrés provenant du même lot que ceux utilisés pour le système d'amarrage Kours de Kvant-2. Le nouveau module ne peut pas être lancé tant qu'un doute subsiste sur sa capacité à s'amarrer à Mir et en conséquence, le 10 octobre 1989, l'agence TASS annonce le report de son lancement d'au moins quarante jours. Le plan de vol de VIKTORENKO et SEREBROV se retrouve donc modifié en profondeur, et pour occuper au mieux leur temps de présence en orbite ils se livrent à de nombreuses expériences scientifiques, notamment avec les instruments KATE-140, MKS-M et Spektr-256. 3. Arrivée du module Kvant-2Le module Kvant-2 est finalement lancé du cosmodrome de Baïkonour le 26 novembre 1989 au sommet d'une fusée Proton-K. La mise en orbite se déroule convenablement, mais l'un des deux panneaux solaires refuse de se déployer. Le problème est finalement réglé grâce à l'ingéniosité du personnel du TsUP, et les cosmonautes de Mir se préparent à l'arrivée de leur nouveau module. Le 1er décembre 1989, le vaisseau Progress M quitte le port avant de la station afin de faire de la place. Dès le lendemain, le 2 décembre 1989, Kvant-2 (77KSD n°17101) arrive en vue de Mir. Par mesure de sécurité, VIKTORENKO et SEREBROV s'installent dans leur vaisseau Soyouz TM-8 durant toute la phase d'approche. Ils seront ainsi prêts à évacuer si collision il devait y avoir. Pendant la phase d'approche de Kvant-2, la mémoire de l'ordinateur de bord Argon-16B sature et commande l'arrêt des actionneurs gyroscopiques du module Kvant, qui contrôlent l'orientation de la station. Le TsUP demande à l'équipage de prendre le contrôle en manuel en utilisant les moteurs DPO du vaisseau Soyouz TM-8. Alors que le module Kvant-2 n'est plus qu'à 20m de la station, son système de rendez-vous automatique Kours détecte une vitesse d'approche trop élevée et envoie l'ordre d'annulation. Au TsUP, les ingénieurs mettent au point une nouvelle procédure d'approche afin d'éviter que ces problèmes ne se reproduisent. Une seconde tentative est effectuée quatre jours plus tard, le 6 décembre. Cette fois, le contrôle de l'orientation est confié aux moteurs DPO du vaisseau Soyouz TM-8 et devrait donc être plus fiable. Kvant-2 effectue son approche sans incident, guidé par son système Kours. Il s'amarre à Mir le 6 décembre 1989 à 12h21 GMT. Fig. 5 : Schéma de la station Mir au 6 décembre 1989. Deux jours plus tard, le 8 décembre 1989, le bras manipulateur ASPr du nouveau module s'agrippe au nœud de jonction et fait ainsi pivoter Kvant-2 de 90°. Le transfert dure un peu moins d'une heure et donne à Mir une configuration asymétrique en L. Cette situation n'est pas souhaitable car elle déplace considérablement le centre de gravité de la station et rend son contrôle beaucoup plus difficile. Elle est toutefois inévitable, car le port frontal doit être laissé libre pour recevoir les vaisseaux Progress et Soyouz. Fig. 6 : Schéma de Mir au 8 décembre 1989, après le déplacement de Kvant-2. Outre de nouveaux instruments scientifiques, Kvant-2 apporte avec lui deux scaphandres Orlan-DMA, le fameux UPMK (l'unité mobile pour cosmonautes) et un nouvel ordinateur central, dénommé Saliout-5B. Celui-ci est destiné à remplacer le système Argon-16B dans le module de base. Toutefois, il ne sera pas immédiatement installé car les Soviétiques disposent encore d'un vaisseau Progress de première génération (Progress-42) qui n'est compatible qu'avec l'Argon-16B. Il faudra donc attendre son amarrage au mois de mai pour pouvoir installer Saliout-5B. 4. Transfert de Soyouz TM-8 et arrivée de Progress M-2Le 12 décembre 1989, VIKTORENKO et SEREBROV embarquent dans leur Soyouz TM-8. Ils se séparent du module Kvant à 08h22'30" GMT et s'amarrent sur le PKhO à 08h42'32" GMT. Le vaisseau de ravitaillement Progress M-2 décolle du cosmodrome de Baïkonour le 20 décembre 1989 et s'amarre sur le module Kvant le 22 décembre 1989 à 05h41'21" GMT. 5. La première sortie dans l'EspaceLa première sortie dans l'Espace de la mission EO-5 débute le 8 janvier 1990 à 20h23 GMT quand les cosmonautes VIKTORENKO (Orlan-DMA n°6) et SEREBROV (Orlan-DMA n°10) ouvrent l'écoutille du PKhO. Alors qu'ils commencent à dépressuriser, une alarme les avertit que le Compartiment de Vie (BO) du vaisseau Soyouz TM-8 est lui aussi en train de se vider de son atmosphère. La soupape d'égalisation des pressions était malencontreusement restée ouverte. Les deux hommes prennent une heure de retard pour régler ce problème. Le nouvel ordinateur central Saliout-5B qu'a apporté Kvant-2 utilise des capteurs stellaires plus précis que ceux du module Kvant, et les cosmonautes vont donc devoir les remplacer. Ils prennent avec eux les deux capteurs de 80kg chacun et vont les installer sur le compartiment non pressurisé de Kvant. Fig. 5.1 : Cette image montre les deux capteurs stellaires. Ils reviennent ensuite vers le PKhO et, sur le chemin, ils récupèrent des cassettes de l'expérience Medouza et des échantillons de l'expérience MMK-2 pour la surveillance des micrométéorites, puis installent des cale-pieds qu'ils utiliseront lors de leurs prochaines sorties. Les scaphandres connaissent chacun une légère avarie. Un câble se rompt dans celui de VIKTORENKO, ce qui a pour effet d'interdire la mesure de la température de l'eau, et il y a une petite fuite dans le système de refroidissement de celui de SEREBROV. Mais ces incidents sont sans gravité et les deux hommes rentrent dans le sas à 23h19 GMT. Leur sortie a duré 2h56. 6. La deuxième sortie dans l'EspaceLa deuxième sortie dans l'Espace de la mission EO-5 débute le 11 janvier 1990 à 18h01 GMT quand les cosmonautes VIKTORENKO (Orlan-DMA n°6) et SEREBROV (Orlan-DMA n°10) ouvrent l'écoutille du PKhO. Une fois à l'extérieur, ils mettent en place les expériences SKK-1 et SKK-3 permettant d'exposer des matériaux non métalliques au milieu spatial. Ils se dirigent ensuite vers le module Kvant pour y installer l'expérience Arfa-E destinée à étudier la corrélation entre l'activité sismique de la planète et les particules chargées présentes dans la ionosphère. Cela étant fait, ils récupèrent l'expérience française Echantillons puis démontent et larguent le support de la structure ERA. Ces deux dispositifs avaient été installés par le cosmonaute français Jean-Loup CHRETIEN lors de sa sortie du 9 décembre 1988. Ils installent ensuite le cône d'amarrage sur la pièce -Y qui accueillera bientôt le nouveau module Kristall. Ils rentrent ensuite dans le PKhO à 20h55 GMT. La sortie aura duré 2h54. Le 15 janvier 1990, les cosmonautes démarrent pour la première fois le système de recyclage de l'eau des toilettes SRV-U, dans le module Kvant-2. 7. La troisième sortie dans l'EspaceLa troisième sortie dans l'Espace de la mission EO-5 débute le 26 janvier 1990 à 12h09 GMT quand les cosmonautes VIKTORENKO (Orlan-DMA n°12) et SEREBROV (Orlan-DMA n°8) ouvrent l'écoutille du sas (ChSO) du module Kvant-2. L'un des principaux avantages des combinaisons Orlan-DMA par rapport aux Orlan-DM utilisées précédemment est de pouvoir fonctionner sans être rattachées à la station. Lors des précédentes sorties en Orlan-DMA cette capacité n'avait pas été exploitée, et le but de l'opération d'aujourd'hui est de la valider. De plus, pour la première fois, les cosmonautes ne sortent pas par le PKhO mais par le sas (ChSO) du nouveau module Kvant-2. Ils ne sont reliés à la station que par deux câbles de sécurité. Leur première tâche est d'installer une échelle à la sortie du sas. Ils remontent ensuite le long de Kvant-2 et démontent l'antenne de son système Kours, qui ne sert plus à rien maintenant que le module est arrivé à bon port. Après cela, ils installent sur Kvant-2 les expériences Ferrit et Danko, constituées de cassettes d'échantillons à exposer au vide, ainsi que les expériences Plionka-3 et Etalon-D. Ils fixent également l'instrument Gamma-2 sur la plate-forme orientable ASP-G-M de Kvant-2. Il s'agit d'une caméra vidéo utilisée pour de la spectrophotométrie et de la spectropolarimétrie. Les cosmonautes retournent ensuite dans le ChSO et ferment l'écoutille à 15h11 GMT. La sortie a duré 3h02. Fig. 7.1 : Les cosmonautes rendent hommage à Christa McAULIFFE, le 28 janvier 1990. 8. La quatrième sortie dans l'EspaceLa quatrième sortie dans l'Espace de la mission EO-5 débute le 1er février 1990 à 08h15 GMT quand les cosmonautes VIKTORENKO (Orlan-DMA n°12) et SEREBROV (Orlan-DMA n°8) ouvrent l'écoutille du sas (ChSO) du module Kvant-2. L'objectif de la sortie est de tester l'UPMK en conditions opérationnelles. Un incident va toutefois troubler les essais : le satellite-relais Altaïr ne peut remplir sa mission car il ne peut s'orienter suite à une panne de ses gyroscopes. Les cosmonautes ne pourront donc essayer l'UPMK que quand ils seront dans une zone de visibilité de l'Union soviétique, soit pendant des périodes de 2 minutes et 15 secondes. Les cosmonautes commencent à s'extraire du sas et SEREBROV, équipé de l'UPMK, s'installe sur le dispositif de sortie, tourné vers la station et dos à l'Espace. Par mesure de sécurité, il restera attaché à Mir par un câble de 60m fixé sur un treuil. VIKTORENKO, qui reste au niveau de l'écoutille, se tient prêt à le ramener à l'aide d'une manivelle. SEREBROV commence par s'éloigner de 5m, puis revient. Il recommence cette prudente manœuvre à deux reprises puis, lors de l'orbite suivante, il s'éloigne de Mir jusqu'à une distance de 33m. Il effectue alors un certain nombre de translations et de rotations, puis revient vers le point d'attache. Alors qu'il s'en approche, il se rend compte qu'il n'est pas exactement en face et il doit ajuster sa trajectoire. Le câble de sécurité le fait alors osciller comme un pendule. Fig. 8.1 : SEREBROV
sur
l'UPMK, le 1er février 1990. Les deux cosmonautes rentrent ensuite dans le sas à 13h14 GMT. La sortie aura duré 4h59, et l'UPMK a volé librement pendant une durée totale de 40 minutes. 9. La cinquième sortie dans l'EspaceLes cosmonautes réalisent un nouvel essai de l'UPMK le 5 février 1990. Cette fois, c'est VIKTORENKO qui testera l'engin, filmé par SEREBROV. Ils profitent de l'occasion pour fixer sur l'UPMK un instrument scientifique appelé Spin-6000, destiné à mesurer les radiations dans le voisinage de la station. Pour ce second essai, le satellite Altaïr fonctionne correctement. Les deux hommes portent les mêmes scaphandres que précédemment. VIKTORENKO commence par s'éloigner de 45m, toujours relié par le câble de 60m. Il effectue un tonneau, puis revient. Il doit demander l'aide de SEREBROV pour s'arrimer au point d'attache car le Spin-6000 cache sa vue. La sortie se termine au bout de 3h45, le test de l'UPMK ayant duré 93 minutes. 10. Atterrissage du vaisseau Soyouz TM-8Le vaisseau de ravitaillement Progress M-2 quitte le module Kvant le 9 février 1990. Deux jours plus tard, les cosmonautes Anatoli SOLOVIOV et Aleksandr BALANDINE décollent du cosmodrome de Baïkonour. Leur vaisseau Soyouz TM-9 s'amarre sur le module Kvant le 13 février 1990. Après une semaine d'activités communes, VIKTORENKO et SEREBROV embarquent à bord de leur Soyouz TM-8. Ils se séparent du PKhO le 19 février 1990 à 01h06'20" GMT et atterrissent au Kazakhstan à 04h36'18" GMT. La mission EO-5 aura duré 166 jours 6 heures 58 minutes 16 secondes. Selon les responsables du programme spatial, les 297g de semi-conducteurs qui ont été produits avec le four Gallar ont suffi à rembourser la mission. |
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