Mir EO-2 | Chronologie

1. Lancement du vaisseau Soyouz TM-2

Le 14ème lanceur Soyouz-U2 (11A511U-2 n°И15000-014) décolle du pas de tir n°5 (17P32-5) de la zone n°1 du cosmodrome de Baïkonour le 5 février 1987 à 21h38'15,973" GMT.

La charge utile est constituée du vaisseau spatial Soyouz TM-2 (11F732A51 n°52), dont l'équipage est constitué du commandant Youri ROMANENKO et de l'ingénieur de bord Aleksandr LAVEÏKINE.

Fig. 1.1 : Décollage de Soyouz TM-2, 5 février 1987.
Crédit : TASS.

Pour la troisième fois dans l'histoire du programme spatial soviétique, le décollage est retransmis en direct à la télévision. La mise sur orbite de Soyouz TM-2 se déroule sans incident. Le vaisseau s'amarre sur le PKhO de Mir le 7 février 1987 à 23h27'40" GMT, à l'aide du système automatique Kours. La pièce d'amarrage arrière est occupée par le vaisseau Progress-27, arrivé le 18 janvier 1987 quand la station était inhabitée.

Dès leur arrivée, ROMANENKO et LAVEÏKINE s'attèlent à réactiver la station. Ils peuvent également s'accorder quelques moments de détente en jouant de la guitare, amenée par ROMANENKO.

2. Arrivée du vaisseau Progress-28

Le 23 février 1987, à 11h29'01" GMT, le vaisseau ravitailleur Progress-27 se sépare de la station, libérant ainsi la pièce d'amarrage arrière (AO). Progress-28 est lancé de Baïkonour le 3 mars 1987 et il s'amarre sur l'AO le 5 mars 1987 à 12h42'36" GMT.

Le 26 mars 1987, à 11h06'48" GMT, Progress-28 se sépare de la station. Peu après, il déploie l'expérience Model-2 que les cosmonautes photographient.

Fig. 2.1 : Progress-28 avec l'expérience Model-2.
Crédit : TASS.

3. Arrivée du module Kvant

Longtemps attendu, celui-ci décolle de Baïkonour au sommet d'un lanceur Proton-K le 31 mars 1987. Le 5 avril 1987, Kvant arrive en vue de Mir et s'apprête à s'y amarrer. Par mesure de sécurité, ROMANENKO et LAVEÏKINE enfilent leurs scaphandres Sokol-KV-2 et s'installent dans le vaisseau Soyouz TM-2 afin d'être prêts à évacuer la station en cas de collision.

Alors que le module n'est qu'à 200m de la station, le système de rendez-vous automatique Igla cesse de se fixer sur sa cible. En conséquence, Kvant ne ralentit pas et frôle la station à une dizaine de mètres seulement. Dans leur vaisseau, ROMANENKO et LAVEÏKINE assistent, impuissants, à cette tentative ratée.

Fig. 3.1 : LAVEÏKINE et ROMANENKO lors d'un moment de détente à bord de Mir.
Crédit : TASS.

Quatre jours plus tard, le 9 avril 1987, une seconde tentative est réalisée. Cette fois, le système Igla fonctionne bien, et l'amarrage a lieu à 00h35'58" GMT. Cette manœuvre est un important succès pour la Cosmonautique soviétique et ouvre de grandes perspectives : c'est en effet la première fois qu'une station spatiale est agrandie sur orbite.

Mais très vite, le TsUP comprend que tout ne s'est pas si bien passé. La liaison entre le nouveau module et la station n'est pas étanche, et Kvant est donc inexploitable. Un groupe d'ingénieurs se met à réfléchir au problème, et arrive à la conclusion qu'un objet inconnu doit gêner la jonction. ROMANENKO et LAVEÏKINE doivent sortir dans l'Espace pour tenter de régler le problème.

4. La première sortie dans l'Espace

La première sortie dans l'Espace de la mission EO-2, qui est aussi la première réalisée depuis la station Mir, commence le 11 avril 1987 à 19h41 GMT, lorsque les cosmonautes ROMANENKO (Orlan-DM n°7) et LAVEÏKINE (Orlan-DM n°9) ouvrent l'écoutille du PKhO.

En sortant, LAVEÏKINE heurte l'écoutille avec son scaphandre et actionne sans s'en rendre compte un commutateur, qui passe sur le mode « pression réduite ». Il ne comprend pas pourquoi la pression diminue et commence à s'inquiéter :

- « La pression tombe... J'ai la pression qui tombe »
- « Quelle-est sa valeur ? » demande le TsUP.
- « 0,32 [mmHg], et elle continue de baisser », répond LAVEÏKINE.

ROMANENKO est le premier à réagir et comprend que le commutateur a été actionné. LAVEÏKINE le remet sur sa position normale, et l'incident est clos. Les deux cosmonautes se dirigent vers l'arrière de la station, où se situe le module Kvant. Ils découvrent que la liaison est gênée par un objet étranger, visiblement un morceau de tissu de 40cm x 40cm. Le TsUP commande le déploiement de la tige du système d'amarrage SSVP de Kvant, ce qui permet à ROMANENKO de l'ôter.

Fig. 4.1 : Schéma du déblocage de Kvant.
Le schéma de gauche montre l'emplacement de l'objet (« НЛО »).
Crédit : Nauka i Zhizn n°01-1988.

Les deux cosmonautes rentrent ensuite dans le PKhO et referment l'écoutille à 23h21 GMT. La sortie a duré 3h40.

Le 12 avril 1987, à 20h18'24" GMT, le FSB de Kvant est désamarré. Le lendemain, ROMANENKO et LAVEÏKINE ouvrent l'écoutille et pénètrent dans le nouveau module. Ils disposent dorénavant de 40m3 supplémentaires (portant le total à 130m3). Le 16 avril 1987, les cosmonautes relient les moteurs des panneaux solaires du Module de Base aux capteurs solaires de Kvant.

5. Arrivée des vaisseaux Progress-29 et Progress-30

Le 21 avril 1987, le vaisseau ravitailleur Progress-29 décolle de Baïkonour. Il vient s'amarrer sur le module Kvant deux jours après, le 23 avril 1987 à 17h04'51" GMT.

Le 30 avril 1987, ROMANENKO et LAVEÏKINE commencent à tester le système d'orientation gyroscopique de Kvant. De plus, les ergols contenus dans les réservoirs de Progress-29 sont pompés dans ceux du Module de Base. C'est la première fois que cette opération est réalisée. Le 8 mai 1987, le système Elektron de génération d'oxygène installé à bord de Kvant est mis en service. Le 11 mai 1987, à 03h10'01" GMT, Progress-29 quitte la station.

Une semaine plus tard, le 19 mai, Progress-30 décolle de Baïkonour. Le nouveau ravitailleur s'amarre sur le module Kvant le 21 mai 1987 à 05h52'38" GMT. Le 9 juin 1987, les cosmonautes mettent en service le nouveau système d'orientation gyroscopique dont est équipé Kvant.

Pour des raisons de limitation de masse, le bloc de base avait été lancé en février 1986 avec seulement deux panneaux solaires. Maintenant que Kvant est ajouté au complexe orbital et que les instruments scientifiques commencent à se multiplier à bord, un troisième panneau est devenu nécessaire.

De plus, Kvant comporte un système de contrôle d'attitude par actionneurs gyroscopiques qui consomme beaucoup d'énergie. Le troisième panneau a été apporté par Kvant, et il doit maintenant être installé par les cosmonautes au cours de deux sorties dans l'Espace. Lors de la préparation physique à ces sorties, les médecins constatent que LAVEÏKINE est victime d'une contraction anormale de son muscle cardiaque. Ils concluent que le cosmonaute n'est plus apte à continuer sa mission, et il sera relevé à l'occasion de la visite de l'équipage EP-1.

6. La deuxième sortie dans l'Espace

La deuxième sortie dans l'Espace de la mission EO-2 débute le 12 juin 1987 à 16h55 GMT quand les cosmonautes ROMANENKO (Orlan-DM n°7) et LAVEÏKINE (Orlan-DM n°9) ouvrent l'écoutille du PKhO du Module de Base.

Un problème d'encombrement se pose, car le PKhO n'est pas assez spacieux pour accueillir deux cosmonautes en scaphandres avec tous leurs équipements. Une astuce a alors dû être trouvée : l'écoutille entre le Compartiment de Descente (SA) et le Compartiment de Vie (BO) de Soyouz TM-2 a été fermée. De plus, celle entre le BO de Soyouz et le nœud de Mir est restée ouverte. Le BO fait ainsi office de prolongement du sas.

Fig. 6.1 : Déploiement du nouveau panneau solaire.
Crédit : TASS.

ROMANENKO et LAVEÏKINE attachent sur un support prévu à cet effet, situé sur le Module de Base, une poutre qui servira de structure soutenant le nouveau panneau solaire. Toutes les étapes de cette opération se déroulent à merveille et les deux hommes peuvent rentrer dans la station. Ils referment l'écoutille à 18h48. La sortie a duré 1h53.

7. La troisième sortie dans l'Espace

La troisième sortie dans l'Espace de la mission EO-2 débute le 16 juin 1987 à 15h30 GMT quand les cosmonautes ROMANENKO (Orlan-DM n°7) et LAVEÏKINE (Orlan-DM n°9) ouvrent l'écoutille du PKhO du Module de Base.

L'objectif est de terminer l'installation du nouveau panneau solaire. ROMANENKO et LAVEÏKINE prolongent la poutrelle et ils y fixent le panneau, d'une longueur de 10,6m. Ils installent également les expériences Etalon et Plionka, puis il rentrent dans le sas et referment l'écoutille à 18h45 GMT. La sortie a duré 3h15 et a permis de faire passer la puissance électrique disponible de 9,4kW à 11,8kW.

Fig. 7.1 : LAVEÏKINE et ROMANENKO lors de la sortie du 16 juin 1987.
Crédit : TASS.

8. Arrivée du vaisseau Soyouz TM-3

Peu après le 15 juillet, le TsUP informe Aleksandr LAVEÏKINE qu'il ne peut pas continuer sa mission et qu'il sera rapatrié avec l'équipage du vaisseau Soyouz TM-3 qui doit arriver dans les jours qui viennent.

Le 19 juillet 1987, à 00h19'51" GMT, Progress-30 quitte la station et libère ainsi le module Kvant. Soyouz TM-3 décolle du cosmodrome de Baïkonour le 22 juillet 1987 et s'amarre sur Kvant deux jours plus tard, le 24 juillet 1987 à 03h31'23" GMT.

L'équipage est constitué des cosmonautes soviétiques Aleksandr VIKTORENKO et Aleksandr ALEKSANDROV, ainsi que du cosmonaute syrien Muhammed FARIS. Les cinq hommes, qui réalisent la Mission de Visite n°1 (EP-1) travaillent ensemble durant cinq jours. Le 29 juillet 1987 à 20h37'00" GMT, VIKTORENKO, FARIS et LAVEÏKINE quittent la station à bord de Soyouz TM-2.

Fig. 8.1 : Mir vue de Soyouz TM-2, le 30 juillet 1987.
Le module Kvant et le troisième panneau solaire sont bien visibles.
Crédit : TASS.

ROMANENKO et ALEKSANDROV restent donc seuls sur Mir pour continuer la deuxième occupation permanente. Dès le lendemain du départ de leurs camarades, les deux cosmonautes enfilent leurs scaphandres Sokol-KV-2 pour déplacer le vaisseau Soyouz TM-3. Ils se séparent du module Kvant le 30 juillet 1987 à 23h27'49" GMT et s'amarrent au PKhO à 23h47'41" GMT.

9. Arrivées des vaisseaux Progress-31, Progress-32 et Progress-33

Le lancement de Progress-31 a lieu le 3 août 1987 depuis Baïkonour. Le vaisseau s'amarre sur le module Kvant le 5 août 1987 à 22h27'35" GMT. Il s'en sépare le 21 septembre 1987 à 23h57'41" GMT.

Deux jours plus tard, Progress-32 est lancé de Baïkonour, et l'amarrage sur Kvant a lieu le 26 septembre 1987 à 01h08'15" GMT. Le 10 novembre 1987, Progress-32 se sépare de la station à 04h09'10" GMT, s'en éloigne de 2500m, puis s'y réamarre à 05h47'25" GMT. Cette manœuvre est effectuée pour les besoins de l'essai une nouvelle technique d'amarrage plus économique en ergols. Le vaisseau se sépare définitivement de Mir le 17 novembre 1987, à 19h24'37" GMT.

Fig. 9.1 : Progress-32 vu de Mir.
Crédit : TASS.

Le 20 novembre 1987, Progress-33 décolle à son tour de Baïkonour, et il s'amarre sur le module Kvant le 23 novembre 1987 à 01h39'13" GMT. Il s'en sépare le 19 décembre 1987 à 08h15'46" GMT.

10. Retour sur Terre

Le 21 décembre 1987, Soyouz TM-4 est lancé de Baïkonour avec un équipage constitué de Vladimir TITOV et Moussa MANAROV, qui constituent l'expédition de relève EO-3, ainsi que d'Anatoli LEVTCHENKO qui vole dans le cadre de la deuxième expédition de visite (EP-2).

L'amarrage sur le module Kvant a lieu le 23 décembre 1987 à 12h50'49" GMT. Les cinq cosmonautes passent six jours ensemble.

Fig. 5 : Article du Figaro sur le retour de Soyouz TM-3.
Remerciements à Christophe LAURENT.

Soyouz TM-3 se sépare du PKhO le 29 décembre 1987 à 05h58'00" GMT. Le vaisseau ramène ROMANENKO, ALEKSANDROV et LEVTCHENKO et atterrit à 09h16 GMT près d'Arkalyk, au Kazakhstan.

Les conditions météorologiques sur le site d'atterrissage ne sont pas suffisamment bonnes pour permettre aux équipes héliportées de s'y rendre. La récupération de fera donc grâce à des moyens uniquement terrestres.

11. Bilan

11.1. Généralités

La deuxième mission principale vers Mir aura finalement duré 326 jours. C'est jusque là la seule mission de toute l'histoire de la Cosmonautique où l'un des membres d'équipage a été remplacé en vol.

ROMANENKO bat bien entendu tous les records de durée lors de cette mission. Le précédent record avait été fixé à 237 jours par l'équipage de la mission Saliout-7 EO-3.

Après l'atterrissage, les médecins remarquent que sa taille a augmenté de 10cm (celle de LAVEÏKINE avait augmenté de 1,5cm). Sa masse musculaire a diminué de 17%, son système cardio-vasculaire connaît des troubles dus à l'accumulation de la masse sanguine en haut du corps, et son squelette est fragilisé à cause de la déminéralisation.

Suite à ces observations, Viktor BLAGOV (directeur adjoint des vols) déclare que "du strict point de vue de l'efficacité du travail, (...) il conviendrait de relever les équipages tous les six mois, voire moins". Cela dit, sur le plan psychologique, ROMANENKO a très bien surmonté l'épreuve de l'isolement. On notera simplement qu'au cours des dernières semaines, il a eu quelques disputes avec les ingénieurs au sol.

11.2. Bilan scientifique

Au cours de la mission, 1305 séances de travail et près d'un millier d'expériences en biotechnologie, astrophysique, géophysique et en cristallographie ont été effectuées.

L'équipage a utilisé pour la première fois l'instrument ukrainien Electrotopograf-7K servant à analyser grâce à une électro-topographie des échantillons ayant été exposés au vide spatial (céramiques, oxydes, etc.).

Son principe de fonctionnement est le suivant : des échantillons sont exposés quelques heures dans le vide puis sont récupérés et mis "en sandwich" entre deux plaques de métal. Une charge électrique de 2 à 9kV est déclenchée, et le champ électromagnétique ainsi formé dessine les contours d'éventuels défauts dans l'échantillon. Une photo est prise et les films sont rapatriés sur Terre pour analyse.

Un des objectifs est l'étude du comportement de la céramique afin d'augmenter la sécurité des vaisseaux habités, qui utilisent ce matériau pour leur bouclier thermique.

L'unité de fabrication de gels synthétiques Svietoblok-T a aussi été utilisée pour la première fois lors de ce vol. La serre Fiton, visant à étudier le développement des plantes dans l'Espace (notamment d'oignions et de radis) a aussi été utilisée.

Dans le domaine de la biologie, l'Institut de Biologie de l'Académie des Sciences a fourni l'instrument Rost-4M, destiné à faire pousser des plantes afin d'étudier le développement de leurs tissus.

De juin à septembre 1987, 300 sessions d'observations astronomiques (dont 115 de la seule supernova SN1987A, qui a explosé peu de temps avant le lancement de Kvant) ont été réalisées à l'aide de puissants télescopes. C'est aussi dans le dessein d'une orientation extrêmement précise qu'a été installé le Roentgen, dont on parlera plus bas.

Le 29 juin 1987, l'équipage a utilisé pour la première fois le télescope Glazar. Son diamètre de 40cm lui permet de détecter des étoiles de magnitudes allant jusqu'à 17 (avec une exposition de 8 minutes). La console de commande est installée dans Kvant. Un petit sas permet l'accès au télescope, permettant la récupération des cassettes de films. Sur une période de six mois, l'équipage a récolté 270 images en ultraviolets.

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