Sokol | Le scaphandre Sokol-KV-2

Le scaphandre Sokol-KV-2 est utilisé sur tous les vaisseaux spatiaux Soyouz de deuxième génération. C'est une modernisation du Sokol-K qui équipait les équipages de la première génération de Soyouz, et il bénéficie de l'expérience acquise avec les deux projets abandonnés Sokol-KM et Sokol-KV. Son rôle est d'assurer la survie de l'équipage en cas de dépressurisation.

1. Généralités

Avec le Sokol-KV, la NPP Zvezda avait essayé de diviser le scaphandre en deux parties distinctes (le haut et le pantalon). Il s'est avéré que les fermetures éclairs utilisées pour relier les deux parties n'étaient pas suffisamment fiables, et le Sokol-KV-2 revient donc à la solution d'un scaphandre en une seule partie.

Le Sokol-KV-2 s'enfile par l'avant, en ouvrant le haut au moyen de deux fermetures éclairs. Il est constitué de deux couches.

Fig. 1.1 : Le cosmonaute Frank de WINNE enfile son scaphandre Sokol-KV-2.
Crédit : ESA / Stéphane CORVAJA.

Sur le vaisseau Soyouz, le scaphandre Sokol-KV-2 est l'élément principal du sous-système de protection individuelle KIZS (Комплект индивидуального защитного снаряжения), qui dépend du système des moyens de sauvetage KSS, lui-même faisant partie du système de survie KSOZh.

Outre le scaphandre lui-même, le KIZS comprend également :

   - le collier gonflable Neva-K, pour aider le cosmonaute en cas d'amerrissage du vaisseau,
   - le système de distribution d'air BR-1,
   - le circuit de ventilation BVU-1.

Ces trois éléments seront présentés en détail dans une section consacrée au système KIZS. Les schémas des figures 1.2 et 1.3 donnent un aperçu des différents éléments qui constituent le scaphandre Sokol-KV-2.

Fig. 1.2 : Schéma du scaphandre Sokol-KV-2.
Crédit : Soyuz Crew Operations Manual.

Fig. 1.3 : Schéma du scaphandre Sokol-KV-2.
Crédit : Soyuz and Progress Data Book.

Pour le lancement de Soyouz TMA-07M, le 19 décembre 2012, les cosmonautes étaient équipés d'une surtenue de protection contre le froid. Elle peut assurer le confort de son occupant jusqu'à une température de -35°C, avec des vents de 15m/s [5].

Fig. 1.4 : Les cosmonautes de Soyouz TMA-07M avec leur surtenue.
Crédit : Roscosmos.

2. Structure

La couche structurelle

La couche extérieure, dite structurelle, est en fibre de polytéréphtalate d'éthylène (PET). Elle sert à protéger la deuxième couche, et à maintenir la forme générale du scaphandre quelque soit la différence de pression entre l'intérieur et l'extérieur.

Elle est munie d'une ouverture pour permettre aux cosmonautes de faire leurs besoins. Cette ouverture est fermée par des lacets et recouverte d'un rabat maintenu par du velcro. Deux lanières transversales viennent renforcer la structure, au niveau des épaules et de la taille. La mobilité est améliorée grâce à des joints sur les épaules, les genoux et les coudes.

Fig. 2.1 : Les cosmonautes font leurs besoins avant le décollage.
Crédit : DR.

La couche d'étanchéité

Le rôle de la deuxième couche, faite en nylon 6 (ou capron), est d'assurer l'étanchéité du scaphandre. Elle est fixée à la couche structurelle. Elle dispose d'une ouverture de grande taille dans sa partie supérieure, pour permettre au cosmonaute d'enfiler le scaphandre, et d'une ouverture de petite taille pour pouvoir uriner.

Sur la face intérieure, la couche d'étanchéité est parcourue par plusieurs petits tuyaux élastiques qui permettent la circulation de l'air de ventilation (fonctionnement normal) et de l'oxygène (fonctionnement de secours).

L'air de ventilation est diffusé au niveau des jambes, des genoux et du casque. L'oxygène, utilisé uniquement en cas de dépressurisation du vaisseau Soyouz, est diffusé seulement au niveau du casque.

3. Le casque

Le scaphandre Sokol-KV-2 est équipé d'un casque souple solidaire de la couche structurelle. Par rapport au scaphandre de génération précédente Sokol-K, le champ de vision a été largement augmenté.

Fig. 3.1 : Le casque du scaphandre Sokol-KV-2.
Musée National d'Histoire de la Cosmonautique. Crédit : Nicolas PILLET.

Le heaume du casque est muni d'un cadre métallique, qui vient se connecter à un autre cadre solidaire du scaphandre afin d'assurer l'étanchéité. Deux verrous bloquent le heaume en position fermée.

Fig. 3.2 : Schéma du casque du scaphandre Sokol-KV-2.
Crédit : Soyuz and Progress Data Book.

Sous son casque, le cosmonaute doit porter un casque de communications ChL-10. Il est équipé de deux haut-parleurs et de deux micros, qui permettent de rester en contact avec le sol même quand le heaume est fermé.

Fig. 3.3 : Le casque ChL-10.
Crédit : NASA.

4. Les gants

Les gants GP-7A du scaphandre Sokol-KV-2 sont constitués d'un poignet et d'une partie pour les doigts. Ils sont détachables et existent en trois tailles différentes.

Fig. 4.1 : Un gant GP-7A de scaphandre Sokol-KV-2.
Technik Museum Speyer. Crédit : Nicolas PILLET.

Fig. 4.2 : Schéma du gant GP-7A.
Crédit : Soyuz and Progress Data Book.

Ils ont été remplacés en 2005 par une nouvelle version, les GP-7S.

Fig. 4.3 : Une paire de gants GP-7S du scaphandre Sokol-KV-2.
ESTEC Space Expo. Crédit : Nicolas PILLET.

5. Le régulateur de pression

Le scaphandre Sokol-KV-2 est équipé d'un régulateur de pression RDSP-3M-01 (Регулятор Давления Скафандра с Подсосом) fixé sur la poitrine. Son rôle, en cas de dépressurisation du Compartiment de Descente du vaisseau Soyouz, est de maintenir une pression d'oxygène confortable à l'intérieur du scaphandre.

Il peut fonctionner avec deux points de consigne différents (0,27kgf/cm² ou 0,4kgf/cm²), que le cosmonaute peut régler manuellement en tournant le régulateur. Il joue également le rôle de soupape de sécurité, afin d'assurer que la pression interne ne dépasse pas 0,45kgf/cm². De plus, le régulateur permet de respirer l'air extérieur quand le heaume du scaphandre est fermé.

Fig. 5.1 : Le régulateur RDSP-3M-01 du scaphandre Sokol-KV-2.
Maison de la Culture de la ville de Baïkonour. Crédit : Nicolas PILLET.

En situation normale, le régulateur doit être sur sa position 0,4kgf/cm². Dans ce cas, si la pression du Compartiment de Descente (SA) est normale, une capsule anéroïde (c'est à dire capable de se déformer sous l'effet d'une différence de pression) située à l'intérieur du régulateur est comprimée, et la vanne d'arrivée d'air est ouverte par un ressort. L'intérieur du scaphandre est alors relié à l'extérieur, et le cosmonaute peut respirer normalement l'air du SA.

Cette fonction est importante, car elle permet de garder le heaume du casque en position fermée durant les phases dynamiques du vol, comme le lancement et l'atterrissage. Lors de ces phases réputées à risque, l'alimentation du scaphandre pourra être basculée très rapidement en mode de secours, étant donné que le heaume est déjà abaissé.

Fig. 5.2 : Schéma du régulateur RDSP-3M-01.
Crédit : Soyuz and Progress Data Book.

En cas de dépressurisation du SA, la capsule anéroïde ne sera plus comprimée. En conséquence, quand l'atmosphère du SA atteindra le seuil de 0,4kgf/cm², la vanne d'arrivée d'air va se fermer, isolant l'intérieur du scaphandre de l'atmosphère du SA.

Fig. 5.3 : Principe de fonctionnement du régulateur RDSP-3M-01.
Crédit : Soyuz and Progress Data Book.

Quand le scaphandre fonctionne sur la réserve d'oxygène de secours du vaisseau, dans le cas d'une dépressurisation du SA, il gonfle. La mobilité du cosmonaute est alors très réduite. S'il souhaite augmenter sa mobilité, il peut tourner le régulateur dans sa position 0,27kgf/cm², ce qui abaisse le point de consigne de la régulation de pression. Ce mode de fonctionnement ne doit pas être prolongé plus de cinq minutes, afin de ne pas risquer l'anoxie.

Le régulateur RDSP-3M-01 possède aussi une position fermée, qui n'est utilisée que pour les essais d'étanchéité du scaphandre réalisés avant le lancement.

Fig. 5.4 : Essai d'étanchéité du scaphandre Sokol-KV-2
avant le lancement de Soyouz TMA-05M.
Crédit : NASA.

6. Le manomètre

Le cosmonaute peut à tout moment surveiller la pression de son scaphandre Sokol-KV-2 à l'aide du manomètre différentiel UDiS-K (Указатель Избыточного Давления в Скафандра - Космический), situé sur le poignet gauche.

Fig. 6.1 : Le manomètre UDiS-K du scaphandre Sokol-KV-2.
Musée technique de Speyer. Crédit : Nicolas PILLET.

La valeur affichée correspond à la différence entre la pression du Compartiment de Descente et celle du scaphandre. En temps normal, elle doit être égale à zéro. Le manomètre, qui fonctionne sur le principe de la capsule anéroïde, est gradué jusqu'à 0,45kgf/cm².

7. Equipements électriques

Comme on l'a vu dans les paragraphes précédents, le système de régulation de pression fonctionne sans aucun matériel électrique. Toutefois, le scaphandre Sokol-KV-2 possède deux liaisons avec le vaisseau Soyouz :

-le câble Kh3 relie le scaphandre au système de communications Rassviett du Compartiment de Descente,
- le câble Ch9 permet de transmettre les paramètres de suivi médical.

Fig. 7.1 : Les deux câbles électriques Ch9 et Kh3 du scaphandre Sokol-KV-2.
Musée de la NPP Zvezda. Crédit : Nicolas PILLET.

Fig. 7.2 : Les câbles Ch9 (en bas) et Kh3 (en haut).
Musée de l'Espace de Samara. Crédit : Nicolas PILLET.

8. Admissions d'air et d'oxygène

En situation normale

Le scaphandre Sokol-KV-2 est constamment ventilé par l'air du Compartiment de Descente (SA), afin d'éliminer le dioxyde de carbone expiré par le cosmonaute et de maintenir une température interne confortable.

L'air est fourni par un motoventilateur BVU-1 à un débit de 180 à 200 normo litres par minute. Il est admis dans le scaphandre via un flexible situé sur la hanche (Fig. 7.1), et est ensuite réparti équitablement dans le casque, les bras et les pieds par le système de distribution BR-1.

Fig. 8.1 : Les deux flexibles d'admission d'air et d'oxygène du scaphandre Sokol-KV-2.
Musée de l'Espace de Samara. Crédit : Nicolas PILLET.

L'air admis dans le scaphandre s'en échappe soit par le casque, si le heaume de celui-ci est ouvert, soit par le régulateur de pression RDSP-3M-01.

Avant de monter dans le vaisseau, lors de leur préparation à Baïkonour, les cosmonautes doivent porter un petit système de ventilation portable PVU (Переносная Вентиляционная Установка) afin d'assurer la circulation d'air dans leur scaphandre.

Fig. 8.2 : Les cosmonautes avec leurs PVU.
Crédit : NASA.

On remarquera sur la figure 1.4 que, quand les cosmonautes portent la surtenue de protection contre le froid, ils n'ont pas besoin du boîtier PVU. Sur une photo prise par l'astronaute européenne Samantha CRISTOFORETTI en mars 2013, on voit un boîtier PVU d'un type nouveau.

Fig. 8.3 : Un boîtier PVU d'un nouveau type, vu en mars 2013.
Crédit : Samantha CRISTOFORETTI.

En cas de dépressurisation

Comme on l'a vu au paragraphe 5, si la pression de l'atmosphère du SA descend en-dessous de 0,4kgf/cm², l'admission d'air de ventilation est automatiquement interrompue. De l'oxygène est alors pompé depuis les réserves du vaisseau vers le scaphandre, à un débit de 20 à 23,5 normo litres par minute.

Fig. 8.4 : Schéma de l'admission d'air et d'oxygène.
Crédit : Soyuz and Progress Data Book.

Le flexible d'admission d'oxygène de secours est montré sur la figure 8.1. Il est raccordé à la réserve d'oxygène du SA lors des phases dynamiques (lancement, amarrage, retour sur Terre).

Bibliographie

[1] ABRAMOV, I., SKOOG, I. : Russian Spacesuits, Springer&Praxis, Chichester, 2003
[2] SIDDIQI, A., The Soviet Space Race with Apollo, University Press of Florida
[4] Soyuz Crew Operations Manual, disponible sur le forum NasaSpaceFlight L2
[5] Novosti Kosmonavtiki n°02-2013


Dernière mise à jour : 2 mars 2014