Progress | Histoire

1. Le vaisseau ravitailleur : une idée mort-née ?

En 1970, le bureau d'études TsKBEM de Vassili MICHINE se lance dans le développement des stations orbitales de longue durée DOS. Les premiers vols conduits sur les stations Saliout et Saliout-4 montrent que la vie sur orbite est possible, mais qu'elle est limitée par la quantité de vivres et de matériel acheminable.

Les vaisseaux Soyouz (11F615A8) utilisés pour transporter les équipages ne sont capables d'apporter que quelques dizaines de kilogrammes de fret, ce qui ne permet pas une occupation à long terme de l'orbite.

Fig. 1.1 : SEVASTIANOV et KLIMOUK à bord de Saliout-4, en 1975.
Crédit : TASS.

L'idée de ravitailler en vol les stations DOS est apparue dès 1971, peu après le lancement de la première Saliout. Trois ingénieurs du TsKBEM, Youri SEMIONOV, Konstantin FEOKTISTOV et Viktor OVTCHINNIKOV, proposent alors d'ajouter une seconde pièce d'amarrage sur les stations suivantes, afin de permettre à un vaisseau d'apporter des ergols et du matériel pendant qu'un équipage est à bord [1].

Mais cette idée ne trouve que très peu d'écho, et Vassili MICHINE lui-même y est opposé. Il souhaite en effet arrêter le plus tôt possible le programme DOS, qu'il n'avait pas souhaité, afin de se concentrer sur le programme d'exploration lunaire. Le bureau d'études concurrent, le TsKBM de Vladimir TCHELOMEÏ, souhaite également la fin des DOS afin d'avoir le champ libre pour mener à bien son propre programme de stations orbitales Almaz [1].

Fig. 1.2 : SEMIONOV, FEOKTISTOV et OVTCHINNIKOV.
Crédit : DR.

En clair, tout le monde est d'accord pour terminer aussi vite que possible l'exploitation des DOS, et l'idée du trio SEMIONOV-FEOKTISTOV-OVTCHINNIKOV n'a aucune chance d'aboutir. En avril 1972, MICHINE et TCHELOMEÏ se mettent d'accord pour arrêter les DOS après la quatrième station (DOS-4), et Sergueï AFANASSIEV, le Ministre du MOM, qui supervise l'ensemble du programme spatial soviétique, est d'accord avec cette position [1].

En 1973, le TsKBEM est plongé dans une grave crise interne. MICHINE est très impopulaire au sein de ses équipes, et un groupe d'ingénieurs demandent qu'il soit démis de ses fonctions. Un autre groupe, dont fait partie Youri SEMIONOV, s'oppose à cette action, et un conflit naît rapidement. Afin de calmer tout le monde, Dmitri OUSTINOV, le Secrétaire du Comité central du Parti communiste, vient en personne visiter le hall d'assemblage (KIS) du TsKBEM [1].

SEMIONOV lui fait visiter la station DOS en cours de préparation (DOS-3), et il glisse l'idée d'une station améliorée ravitaillable en vol. OUSTINOV est convaincu, et il demande ensuite à MICHINE de revoir sa position sur cette question [1].

Lors d'une réunion de la Commission Militaro-industrielle (VPK) à la fin de l'année 1973, Youri SEMIONOV mentionne les travaux en cours sur le vaisseau ravitailleur. Le général Andreï KARASS, commandant du GUKOS, la branche spatiale du Ministère de la Défense, est furieux d'apprendre qu'un projet de cette importance a été entamé sans son consentement. Leonid SMIRNOV, le président de la VPK, ainsi que le Ministre AFANASSIEV soutiennent toutefois SEMIONOV [2].

2. Le développement du ravitailleur

En 1973, le département n°37 du TsKBEM, dirigé par Leonid GORCHKOV, commence donc le développement du vaisseau ravitailleur des futures stations DOS. Huit départements planchent également sur les différents systèmes du vaisseau (cf. tableau 2.1), et le constructeur en chef sera E.P. VIATKINE [2].

Projet Département Chef du département
Système de ravitaillement en ergols 505 A.L. MAGDESSIAN
502 V.A. NIKOLAÏEV
506 A.V. POUTCHININE
Conception du vaisseau 211 K.K. PANTINE
221 N.A. PAVLOV
017 V.F. GLADKI
Rédaction des procédures d'exploitation 721 E.A. FROLOV
733 V.D. BLAGOV
Tableau 2.1 : Répartition du travail au TsKBEM pour le développement du vaisseau Progress.

A ce stade, des question élémentaires se posent encore. Le ravitailleur devra-t-il être piloté ou non ? Devra-t-il être capable de ramener du fret sur Terre ? Afin de maximiser la cargaison qu'il apportera à la station, le TsKBEM décide de ne pas lui donner la capacité de revenir sur Terre. La question de savoir s'il sera ou non habité par des cosmonautes se résout donc d'elle-même [2].

Fig. 2.1 : Leonid GORCHKOV.
Crédit : DR.

Les études montrent que la taille optimale du ravitailleur devra être du même ordre de grandeur que celle des vaisseaux Soyouz. Le fret destinés aux cosmonautes sera placé dans un compartiment pressurisé équipé de la pièce d'amarrage. Les ergols et autres fluides potentiellement dangereux seront stockés dans un autre compartiment, non pressurisé cette fois, afin de prévenir tout risque de propagation dans la station.

Les ingénieurs du TsKBEM se fixent comme limites de masse et d'envergure les mêmes que celles du vaisseau Soyouz, de manière à garantir que le même lanceur Soyouz-U (11A511U) pourra être utilisé pour la mise sur orbite [2].

Mais une nouvelle génération de Soyouz, baptisée 7K-S, est en cours de développement au TsKBEM afin de remplacer la génération actuelle 7K-T. Lequel de ces deux vaisseaux est-il préférable d'utiliser pour développer le ravitailleur ? Le 11 janvier 1974, SEMIONOV annonce à MICHINE que c'est le 7K-T qui a été choisi [3].

Fig. 2.2 : Un vaisseau 7K-T (Soyouz-10) en préparation à Baïkonour.
Crédit : TASS.

Le département de GORCHKOV termine l'avant-projet du ravitailleur, qu'on appelle maintenant le vaisseau 7K-TG (G pour Грузовой, qui signifie fret en Russe), en février 1974. Quelques mois plus tard, un décret du Parti communiste lance officiellement son développement [2].

Peu de temps après, le TsKBEM est fusionné avec le motoriste Energomach et devient la NPO Energuia. C'est Valentin GLOUCHKO qui en devient le Constructeur général. En 1976, les travaux relatifs au 7K-TG sont transférés au département n°174 de Lev DOULNIEV, et le premier vaisseau est terminé en novembre 1977 [2].

Fig. 2.3 : L'équipe de Lev DOULNIEV de la NPO Energuia.
1er rang : I.A. KAZAKOVA, Z.A. SAOUCHKINA, T.I. BLIZNIETSOVA, L.I. DOULNIEV, N.M. TERECHENKOVA, L.N. KONDAKOVA.
2ème rang : V.I. SOUROVYKH, L.N. SOLDATOVA, Y.S. DENISSOV, A.N. MAKSIMIENKO, V.P. PETROV, G.K. BARYCHNIKOV.
3ème rang : S.D. SERPKOV, V.N. PETOUKHOV, V.V. TSVIETKOV, A.D. KOROLIOV, O.B. KALENKOV.

Crédit : RKK Energuia.

La construction des vaisseaux commence à la ZEM, l'usine de la NPO Energuia, en 1975. Le compartiment des ergols (OKD) est produit en série à l'atelier 445, et il est testé à l'atelier 444 [6].

Au total, cinquante exemplaires du 7K-TG sont commandés, numérotés de 101 à 150. A partir de 1976, cinq de ces vaisseaux (n°129 à 133) sont prélevés pour servir à des essais dans le cadre du programme militaire Kaskad (17F111), qui sera par la suite abandonné [5].

3. Les premiers vaisseaux Progress

La cinquième station DOS, mais la première dotée de deux pièces d'amarrage, est lancée le 29 septembre 1977. Baptisée Saliout-6, elle reçoit son premier équipage d'occupation (EO-1) le 11 décembre 1977. Le premier vaisseau 7K-TG décolle de Baïkonour deux mois plus tard, le 20 janvier 1978.

Annoncé au public sous le nom de Progress-1, il réalise plusieurs corrections d'orbite pour rejoindre Saliout-6, et s'y amarre le 22 janvier 1978. Il apporte 1300kg de matériel et 1000kg d'ergols aux cosmonautes Youri ROMANENKO et Gueorgui GRETCHKO, qui procèdent à son déchargement. Les 2 et 3 février 1978, des ergols sont transférés dans les réservoirs de la station.

Fig. 3.1 : La Pravda annonce le lancement de Progress-1.
La photo montre le lancement de Soyouz-27, réalisé dix jours plus tôt.
Crédit : DR.

Le 5 février 1978, le moteur SKD de Progress-1 est mis en service afin de corriger l'orbite de la station. Les 7K-TG seront en effet utilisés à la fois comme ravitailleurs et comme remorqueurs. Le lendemain, le vaisseau se sépare de Saliout-6 et emporte avec lui plusieurs centaines de kilogrammes de déchets. Il se consume dans l'atmosphère terrestre deux jours plus tard.

Par la suite, les vols de Progress s'enchaînent à un rythme soutenu. La deuxième expédition (EO-2) de Saliout-6 reçoit trois vaisseaux, les troisième (EO-3) et quatrième (EO-4) expéditions en reçoivent quatre chacune. La station Saliout-7 recevra également treize vaisseaux Progress durant ses quatre années d'exploitation.

Fig. 3.2 : Un vaisseau Progress sur orbite.
Crédit : RKK Energuia.

Les deux seuls incidents connus surviennent lors de l'amarrage de Progress-6, qui est beaucoup plus brutal que la normale mais pas au point de faire des dégâts, et lors du lancement de Cosmos 1669, quand l'une des antennes du système de rendez-vous Igla ne se déploie pas.

En plus de ses fonctions élémentaires, le vaisseau Progress est utilisé à plusieurs reprises pour réaliser des expériences sur orbite ou pour tester des matériels. Par exemple, quatre vaisseaux (Progress-11, Progress-14, Progress-18 et Progress-28) sont porteurs de l'expérience Model, qui consiste à la fois à tester le déploiement d'une grande structure sur orbite et à étudier la propagation des ondes ULF.

Fig. 3.3 : Le vaisseau Progress-28 avec l'expérience Model-2.
Crédit : RKK Energuia.

Cinq autres vaisseaux (Progress-38, Progress-39, Progress-40, Progress-41 et Progress-42) sont utilisés pour tester le siège éjectable K-36M de la navette spatiale Bourane.

4. Progress M et la station Mir

A partir de 1980, les vaisseaux Soyouz de première génération sont remplacés par les Soyouz T (11F732) entièrement redessinés. Plus tard, en 1986, ils sont encore modernisés pour les besoins de la nouvelle station Mir, et deviennent les Soyouz TM (11F732A51).

En comparaison, le vaisseau Progress ne reçoit aucune modification depuis son premier vol de 1978, et il est donc sujet à d'importantes obsolescences. En mai 1986, le département n°174 de Lev DOULNIEV commence donc le développement d'une version actualisée du ravitailleur, baptisée Progress M (11F615A55) [2].

Le premier vaisseau de nouvelle génération est lancé le 23 août 1989 et permet de commencer les essais en vol. Ils sont terminés avec le deuxième vaisseau, Progress M-2, et le nouveau ravitailleur devient donc opérationnel [2].

Fig. 4.1 : Le vaisseau Progress M-7 s'éloigne de Mir, le 6 mai 1991.
Crédit : Станция Мир. Седьмая, восьмая, девятая основные экспедиции.

Avec la station Mir, les vaisseaux Progress ont un rôle encore plus primordial que sur les Saliout car, depuis l'ajout de son module Kvant, la nouvelle station ne dispose plus de ses propres moteurs. Elle est donc totalement dépendante des Progress pour rehausser son orbite.

Par ailleurs, en 1992, le vaisseau Progress M-14 est modifié pour pouvoir acheminer sur Mir un nouveau bloc moteurs appelé VDU. Le compartiment des ergols est supprimé, et il est remplacé par un coffre de logement non pressurisé. Un second VDU est également amené sur Mir en 1998 par Progress M-38, qui reçoit les mêmes modifications.

Certains vaisseaux Progress M sont équipés d'une petite capsule, appelée Radouga, capable de survivre à la rentrée atmosphérique, ce qui permet à l'équipage de Mir de ramener du matériel sur Terre. En tout, neuf capsules sont utilisées entre 1990 et 1994. Elles sont toutes récupérées avec succès, sauf celle de Progress M-7.

Fig. 4.2 : Une capsule Radouga.
Musée de la Cosmonautique de Rostov-sur-le-Don. Crédit : Nicolas PILLET.

Les Progress M ont toutefois une faiblesse : ils sont entièrement dépendants de leur système de rendez-vous automatique Kours. Sur les Soyouz TM, l'équipage peut prendre les commandes en manuel en cas de mauvais fonctionnement du système automatique, mais ce n'est pas le cas sur les vaisseaux de ravitaillement. Pour remédier à cela, un système de télécommande appelé TORU est développé en 1990-1991. Il permettra aux cosmonautes présents sur Mir de guider les Progress M en cas de défaut du Kours [2].

En 1992, le vaisseau Progress M-15 est le premier à tester le TORU. Et c'était une riche idée car, deux ans plus tard, Progress M-24 aurait été perdu si l'équipage de Mir n'avait pas pu en prendre les commandes. Le système Kours était en effet l'objet d'un dysfonctionnement qui avait amené le vaisseau à entrer en collision avec la station.

Fig. 4.3 : Le pupitre TORU de la Station Spatiale Internationale.
Crédit : Roscosmos.

Le TORU, toutefois, ne permet de télécommander un Progress M que dans les dernières centaines de mètres de son approche. En 1996, le vaisseau Progress M-33 teste le Rendez-vous Balistique de Précision (BPS), qui vise à permettre aux cosmonautes de commander un vaisseau via le TORU à plusieurs kilomètres de distance. L'essai n'est pas concluant, et il sera tenté de nouveau avec le vaisseau suivant.

Cette seconde tentative donne lieu à l'un des plus graves accidents de l'Histoire de l'Astronautique. Le cosmonaute Vassili TSIBLIEV perd le contrôle du vaisseau Progress M-34, qui entre alors en collision avec la station et provoque une brèche qui entraîne sa dépressurisation. L'équipage (EO-23) parvient à sauver Mir en isolant le module Spektr.

Malgré cela, plusieurs expériences sont menées à l'aide des Progress M, comme c'était le cas avec les vaisseaux de première génération. Progress M-8, par exemple, tentera (sans succès) de déployer une structure gonflable, tandis que Progress M-15 et Progress M-40 déploieront le grand miroir Znamia destiné à éclairer les régions polaires. Progress M-36, quant à lui, larguera un microsatellite allemand.

Fig. 4.4 : Progress M-8 lors de l'expérience Zond-2.
Crédit : Out of the Present.

Fig. 4.5 : Progress M-15 avec le miroir Znamia-2.
Crédit : TASS.

5. La version « tanker » Progress M1

A la fin des années 1990, la station Mir arrive à la fin de son exploitation, et la Russie s'apprête à lancer les premiers modules de la Station Spatiale Internationale (MKS). Les prévisions en termes de logistique montrent que la nouvelle station aura davantage besoin d'ergols que de fret « sec ».

L'ordre du président de RKK Energuia daté du 15 février 1996 demande le développement, d'ici à 1998, d'une version de Progress M optimisée pour le transport d'ergols. Sur le nouveau vaisseau, baptisé Progress M1 (11F615A55M1), les réservoirs d'eau potable seront remplacés par quatre réservoirs d'ergols supplémentaires [4].

Fig. 5.1 : Les réservoirs d'ergols de Progress M1.
Crédit : RKK Energuia.

L'avant-projet est terminé en avril 1996 et, l'année suivante, la RKK Energuia décide d'utiliser également ce vaisseau pour ravitailler Mir, ainsi que pour assurer sa désorbitation. Un premier modèle destiné aux essais vibratoires est terminé en décembre 1997, et montre un certain nombre de défauts de conception. Ceux-ci sont corrigés d'ici à janvier 1998 [4].

Le premier vaisseau bon de vol, Progress M1-1, est terminé en avril 1999 et il est lancé avec succès vers la station Mir le 1er février 2000. Quelques mois plus tard, le 6 août 2000, Progress M1-3 est le premier ravitailleur à être lancé vers la Station Spatiale Internationale.

Fig. 5.2 : Progress M1-7 approche de la station internationale, le 28 novembre 2001.
Crédit : NASA.

6. Le projet Progress M2

En 1987 [8], NPO Energuia avait commencé les études pour une version plus performante Progress MT (11F615A75) de son ravitailleur, qui ne serait pas mise sur orbite par un lanceur Soyouz-U (11A511U) comme ses prédécesseurs, mais par un lanceur Zenit-2 (11K77). Un tel vaisseau serait utilisé dans le cadre de la future station Mir-2 [5].

Plus tard, en 1993 [8], l'idée d'un vaisseau de ravitaillement lancé par Zenit-2 refait surface, cette fois sous la désignation Progress M2 (11F615A77). Ce vaisseau serait utilisé à la fois pour Mir-2 et pour la Station Spatiale Internationale. Mais le projet Mir-2 est ensuite abandonné et, en 1996, l'Agence Spatiale Russe (RKA) indique qu'elle ne souhaite plus utiliser le lanceur Zenit-2 dans le cadre de la station internationale [5].

En 1999, le projet d'une version améliorée de Progress M ressurgit suite à la proposition faite par le GKNPTs Khrounitchev à la RKA d'utiliser le module FGB-2 pour acheminer du fret à la station internationale. La RKK Energuia ressort le Progress M2 de ses cartons, et le propose en trois versions : deux pour porter des petits modules, et une troisième pour acheminer du fret [4].

Fig. 6.1 : Le projet de 1999.
Crédit : RKK Energuia.

Un vaisseau Progress M3 est également envisagé pour voler sur le lanceur Yamal [8]. Ces projets, toutefois, ne connaîtront aucune suite, pas plus que celui de Khrounitchev.

7. Les difficiles années 1990

Au début de l'exploitation de la Station Spatiale Internationale, la RKK Energuia constate que son vaisseau ravitailleur, qui existe en version Progress M et - bientôt - en version Progress M1, est équipé de systèmes datant de la fin des années 1970. Outre les problèmes évidents liés aux obsolescences, l'entreprise est confrontée aux conséquences de la dissolution de l'Union soviétique, suite à laquelle certains équipementiers sont maintenant dans des pays étrangers [8].

Youri SEMIONOV, devenu entre temps président de la RKK Energuia, avait édité un ordre dès le 2 novembre 1995 pour lancer les études sur la modernisation des vaisseaux, mais il était resté sans suite, faute de financement. Il signe un nouveau document le 27 juin 1997, qui est validé par la RKA dès le 30 juin 1997, et cette fois le budget est approuvé, et les études démarrent [8].

La nouvelle version est baptisée Progress MM, et elle servira aussi de banc d'essais pour une version modernisée de Soyouz TMA appelée Soyouz TMM. SEMIONOV valide l'avant-projet le 5 août 1998, mais aucun financement n'est fourni jusqu'à la fin de l'année, et les travaux sont interrompus [8].

Toutefois, dans le cadre de la station internationale, la Russie s'est engagée à modifier certains systèmes de ses vaisseaux, et il n'est donc pas possible d'en rester là. Les équipes de RKK Energuia doivent alors sélectionner quels systèmes seront modernisés, et quels systèmes ne le seront pas. Le ravitailleur hybride qui sort de ces études est appelé Progress-MS, et son concept est validé le 5 janvier 2000. Une fois de plus, toutefois, le financement n'est pas au rendez-vous, et même cette version moins ambitieuse doit être abandonnée [8].

8. La version modernisée Progress M-M

Bien que tous les projets de modernisation aient été annulés, la RKK Energuia parvient en 2001 à qualifier son nouvel ordinateur de bord TsVM101, qui pourrait remplacer le modèle Argon-16. En 2004, le Constructeur général de la RKK Energuia publie son ordre n°81 qui lance les études sur une version modernisée des vaisseaux Progress M et Progress M1 basée sur le TsVM101 [7].

Les spécifications sont arrêtées en 2007, et le projet est soumis à l'expertise du TsNIIMach l'année suivante. La nouvelle version est appelée Progress M-M (11F615A60) et, contrairement aux projets Progress MM et Progress-MS des années précédentes, elle est correctement budgétée [7]. Le premier vaisseau de la série, Progress M-01M, décolle le 26 novembre 2008.

Fig. 8.1 : Progress M-01M quitte la station internationale, le 6 février 2009.
Crédit : Roscosmos.

Au total, vingt-neuf de ces vaisseaux sont lancés vers la Station Spatiale Internationale. L'un d'eux, Progress M-12M, est perdu suite à un échec du lanceur Soyouz-U provoqué par une non-qualité.

A partir de 2014 les Progress M-M commencent à voler sur les lanceurs Soyouz-2.1a (14A14-1A), qui ont l'avantage de ne pas dépendre de composants ukrainiens. Le premier vol, réalisé avec Progress M-25M, se passe bien mais le second, avec Progress M-27M, met en exergue un problème de compatibilité entre le vaisseau et ce nouveau lanceur, qui cause l'échec du tir.

9. Progress MS, le nec plus ultra

Pour des raisons diverses, un grand nombre de systèmes qui devaient équiper les Progress M-M prennent plus de temps que prévu à terminer, ce qui pose un certain nombre de problèmes. Par exemple, les stations de télécommande Kvant-P vont être retirées du service très prochainement, et il est donc urgent de remplacer le système Kvant-V par un autre moyen [9].

En 2009, Roscosmos demande à la RKK Energuia de commencer à étudier la question. D'autres lots de modifications doivent être intégrés sur le vaisseau, et une nouvelle version est créée. Elle sera appelée Progress MS (11F615A61), ce qui signifie « systèmes modernisés » (Модернизированные Системы).

Le vaisseau Progress MS-01 est lancé le 21 décembre 2015, et les vols s'enchaînent ensuite. Le nouveau vaisseau est considéré opérationnel à la fin de ses essais en vol, qui se terminent à l'issue de la mission de Progress MS-03 [10].

Fig. 9.1 : Progress MS-01 s'approche de la station internationale, le 1er juillet 2016.
Crédit : Roscosmos.

L'un des vaisseaux de la série, Progress MS-04, est perdu au lancement suite à une non-qualité de production d'un moteur.

Bibliographie

[1] SEMIONOV, Y., РКК « Энергия » им. С.П. Королева, Vol. 1, pp. 294-297
[2] Ibid., pp. 333-339
[3] MICHINE, V., Дневники, Записи и воспоминания, Vol. 3, p. 168
[4] SEMIONOV, Y., РКК « Энергия » им. С.П. Королева, Vol. 2, pp. 579-600
[5] KIRILLOV, V., Прогрессивный "Прогресс", Novosti Kosmonavtiki n°4/5-1998
[6] SEMIONOV, Op. Cit., Vol. 1, p. 585
[7] LOPOTA, V., РКК « Энергия » им. С.П. Королева, Vol. 3, pp. 98-102
[8] SEMIONOV, Op. Cit., Vol. 2, pp. 628-635
[9] KRASSILNIKOV, A., Новая модификация "Союза", Novosti Kosmonavtiki n°05-2015
[10] Завершение летных испытании ТГК «Прогресс МС», communiqué de Roscosmos du 07.08.2017


Dernière mise à jour : 7 août 2017