Radouga | Histoire

Les satellites Radouga, exploités entre 1975 et 2013, furent les premiers satellites géostationnaires soviétiques. Ils assuraient les télécommunications aussi bien pour des applications militaires que civiles.

1. La naissance des satellites géostationnaires en URSS

A la fin des années 1960, l'Union soviétique dispose pour assurer ses télécommunications militaires des petits satellites Strela, sur orbite basse, et des satellites Molnia sur des orbites fortement elliptiques. Ces appareils, initialement développés par le Bureau d'Etudes Expérimental n°1 (OKB-1) de Sergueï KOROLIOV, sont ensuite passés sous la responsabilités de l'OKB-10 de Mikhaïl RECHETNIOV.

Par rapport à une orbite géostationnaire, l'orbite fortement elliptique, imaginée par Refat APPAZOV, permet d'augmenter la masse des satellites de 100kg à 1600kg. Elle offre également une meilleure couverture de l'Union soviétique, qui est située très au nord. Les Etats-Unis, de leur côté, préfèrent utiliser l'orbite géostationnaire et y lancent le satellite Syncom 3, d'une masse de seulement 39kg, le 19 août 1964.

Fig. 1.1 : Vue d'artiste du satellite Syncom 3.
Crédit : DR.

L'orbite géostationnaire apporte en effet des avantages sur les orbites fortement elliptiques. Le satellite étant vu immobile depuis le sol, les infrastructures dédiées à son suivi et son exploitation sont simplifiées, et il est possible de communiquer avec lui à n'importe quel moment. Le signal reçu du satellite, par ailleurs, est de meilleure qualité [1].

L'OKB-10, devenu entre temps le KBPM, se lance en 1970 dans le développement d'un satellite de télécommunications géostationnaire, baptisé Radouga, qui serait complémentaire des Molnia [2]. Le projet est placé sous la direction de Grigori TCHERNIAVSKI [1].

Fig. 1.2 : Grigori Markelovitch TCHERNIAVSKI.
Crédit : DR.

Dès le début de l'année 1970, l'URSS réserve une position géostationnaire à 75-85°E auprès de l'Union Internationale des Télécommunications (UIT) [5]. Le 5 avril 1972, un décret du Parti communiste et du Conseil des Ministres officialise la création d'un réseau national de télécommunications baptisé ESSS. Il inclura les satellites Molnia-3 (11F637) et les Radouga (11F638).

2. Le développement des Radouga

Par rapport aux précédents satellites de télécommunications, les Radouga vont devoir bénéficier de nouvelles technologies afin de pouvoir fonctionner sur orbite géostationnaire. Ils seront équipés, pour la première fois, de panneaux solaires capables de s'orienter en direction du Soleil indépendamment du satellite lui-même [1].

Fig. 2.1 : Préparation d'un satellite Radouga.
Crédit : ISS Rechetniov / Газета №240.

C'est l'entreprise NPTs Polious de Piotr GOLOUBIEV qui fournira les capteurs pour le nouveau système d'orientation [1]. Les répéteurs en bande S seront, quant à eux, fournis par le MNIIRS qui équipait déjà les Molnia.

La mise à poste du satellite sur l'orbite géostationnaire sera elle-même une nouveauté en Union soviétique. Le lanceur Molnia (8K78) n'étant pas assez performant, les Radouga voleront sur des lanceurs Proton-K (8K82K) surmontés d'un étage supérieur Bloc DM (11S86), que le TsKBEM de Vassili MICHINE a commencé à étudier dès 1969 spécifiquement pour l'orbite géostationnaire [3].

Fig. 2.2 : Une version dérivée du Bloc DM.
Musée de Baïkonour. Crédit : DR.

Le développement du Bloc DM est apparemment plus long que prévu. Le 27 juillet 1972, Sergueï AFANASSIEV, le Ministre du MOM, demande au TsKBEM l'accélération des travaux au vu des besoins du KBPM [4].

3. Les essais en vol et l'exploitation

Une maquette de satellite Radouga est placée sur une orbite géostationnaire le 26 mars 1974 afin de qualifier le lanceur et l'étage Bloc DM pour cette nouvelle fonction. Quelques mois plus tard, le 29 juillet 1974, un satellite Molnia modifié, baptisé Molnia-1S, est à son tour placé sur orbite géostationnaire pour tester les transmissions.

Le premier satellite Radouga est lancé avec succès le 22 décembre 1975, mais ne fonctionne que pendant trois mois. Le satellite suivant, lancé le 11 septembre 1976, ne rencontre quant à lui aucun incident.

Fig. 3.1 : Un satellite Radouga à Baïkonour.
Crédit : Novosti Kosmonavtiki.

Les satellites Radouga sont acceptés en service opérationnel en décembre 1979, à l'issue des cinq premiers vols d'essai [6]. La commission d'Etat qui a supervisé les essais était dirigée par le général A.A. MAKSIMOV jusqu'en 1978, puis par le général N.F. CHLYKOV [6].

4. La version améliorée Radouga-1

Le KBPM commence dès 1985 les études pour une version modernisée du Radouga, appelée Radouga-1 (17F15). Un premier exemplaire est lancé le 21 juin 1989 puis, après deux vols d'essais supplémentaires, le système est déclaré opérationnel le 3 mars 1996 [8].

La charge de travail du KBPM, devenu entre temps la NPO PM, étant trop importante, la production en série des Radouga-1 est confiée au PO Poliot.

A l'origine, les Radouga-1 devaient être une étape intermédiaire avant la mise en service des Radouga-2, mais ce projet n'a pas été mené à bien, faute de financement. En revanche, la NPO PM développe une version améliorée Radouga-1M (17F15M), qui vole à partir du 9 décembre 2007. Deux autres exemplaires sont mis sur orbite en 2010 et en 2013, puis l'exploitation des Radouga est terminée.

Bibliographie

[1] KOZLOV, A., Академик М.Ф. Решетнев, Zheleznogorsk, 2006, pp. 77-83
[2] Ibid., p. 293
[3] SEMIONOV, Y., РКК « Энергия » им. С.П. Королева, Vol. 1, p. 228
[4] MICHINE, V., Записи и воспоминания, Vol. 2, p. 367
[5] Aviation Week & Space Technology, 23.03.1970, p. 15
[6] MELNIK, T., Военно-космические силы, Tome 2, Moscou, 1998, p. 21
[7] MELNIK, T., Военно-космические силы, Tome 1, Moscou, 1997, p. 214
[8] LISSOV, I., "Радуга-1": Пополнение в системе военной связи, NK n°12-2001


Dernière mise à jour : 19 avril 2017