Proton-K | 2 mars 1968

Le 5ème lanceur Proton-K (8K82K n°231-01), surmonté d'un étage supérieur Bloc D (11S824 n°14L), a décollé du pas de tir n°23 de la zone n°81 (8P882K) du cosmodrome de Baïkonour le 2 mars 1968 à 18h29'23" GMT.

La charge utile était constituée du vaisseau spatial Zond-4. Les trois étages du lanceur ont fonctionné correctement et ont placé la partie haute sur une trajectoire balistique. Le Bloc D a été mis en service une première fois pour réaliser la mise sur orbite basse, puis une seconde fois à 19h41'19" GMT (dt=459") pour réaliser l'injection translunaire [1].

Pour la première fois, ce lancement a été observé par trois avions stationnés à 9, 10 et 11km d'altitude. L'objectif était de mieux comprendre son comportement, notamment au moment du passage du mur du son [1]. Youri GAGARINE et plusieurs autres cosmonautes ont assisté au lancement à Baïkonour, puis sont partis à Eupatorie pour suivre le vol [1].

Le vaisseau Zond-4

Il s'agit d'un vol d'essai du vaisseau lunaire 7K-L1 (11F91 n°6L). Il n'est pas destiné à survoler la Lune (la date du lancement ne le permet pas), mais un point théorique dans l'Espace situé à 330.000km de la Terre, puis à revenir sur Terre.

L'agence TASS annonce le lancement de Zond-4 (dont le nom est destiné à faire passer le vaisseau pour une nouvelle sonde), mais le communiqué ne précise pas l'objectif du vol, et ne mentionne même pas la Lune.

Le vol de Zond-4

La première correction de trajectoire au moyen du moteur S5.53 devait avoir lieu le 4 mars 1968 à 04h35 GMT, à une distance de 225.000km de la Terre. Elle n'a toutefois pas lieu suite à un dysfonctionnement du capteur stellaire 100K qui ne parvient pas à détecter l'étoile Sirius suite à la pollution de son optique [2][8].

La situation n'est pas dramatique car, sur les trois corrections prévues, seule la troisième est indispensable pour garantir un retour sur Terre. Bien que l'antenne parabolique ONA ne se soit pas déployée correctement [8], les télécommunications fonctionnent, et les équipes d'Eupatorie ont donc bon espoir de régler le problème [2].

Le 5 mars 1968, le capteur 100K parvient à se verrouiller sur Sirius à plusieurs reprises, mais seulement pendant une à deux secondes. Les équipes au sol tentent d'orienter le vaisseau en se basant non pas sur Sirius, mais sur Vénus. Ces tentatives se soldent en revanche toutes par des échecs [3].

Le 6 mars 1968, Zond-4 parvient à l'apogée de son orbite et entame son retour vers la Terre. Une nouvelle tentative d'orientation est réalisée en réduisant au minimum l'atténuation du capteur 100K, mais elle échoue. Une seconde tentative est réalisée, cette fois en augmentant l'atténuation au maximum, mais c'est de nouveau un échec. La troisième tentative, réalisée avec un filtre d'atténuation moyenne, est en revanche un succès [4].

Le vaisseau peut donc s'orienter correctement, et la correction de trajectoire est entreprise. Le moteur S5.53 est mis en service (dt=15") et fourni une impulsion dV=9,129m/s proche de l'attendu (9,202m/s). La rentrée dans l'atmosphère va pouvoir être réalisée sans correction supplémentaire [4]. Le vaisseau devrait rentrer dans l'atmosphère selon le couloir théorique, atteindre l'altitude de 45,8km puis rebondir jusqu'à 145km et, enfin, entamer sa descente finale. L'atterrissage doit avoir lieu le 9 mars 1968 à 18h56 GMT, soit treize minutes plus tard que l'horaire initialement prévu [5].

Le retour sur Terre

Le 9 mars 1968, le vaisseau Zond-4 aborde effectivement l'atmosphère terrestre à l'instant prévu, et aborde le couloir de rentrée avec une précision de 2km, inférieure aux ±10km requis [7]. Toutefois, suite à la défaillance du Système de Contrôle de la Descente (SUS), le vaisseau ne suit pas sa trajectoire nominale avec rebond, mais tombe selon la trajectoire balistique de secours [6].

Fig. 1 : Youri GAGARINE fête son 34ème et dernier anniversaire à Eupatorie,
le jour de t'atterrissage de Zond-4.
Crédit : DR.

La décélération subit par Zond-4 atteint un maximum de 20g. Comme le vaisseau se dirige vers une zone extérieure au territoire soviétique, son système d'autodestruction APO s'actionne, et le vaisseau explose au-dessus du Golfe de Guinée, à environ 150km des côtes africaines, à l'altitude d'environ 15km [6].

Trois navires avaient été stationnés pour suivre le vol de Zond-4 : le Bezhitsa a permis de recevoir la télémétrie lors de la phase d'injection translunaire, tandis que le Ristna et le Dolinsk suivaient la rentrée dans l'atmosphère [9].

Bibliographie

[1] KAMANINE, N., Скрытый космос, Tome 3, article du 03.03.1968
[2] Ibid., article du 04.03.1968
[3] Ibid., article du 05.03.1968
[4] Ibid., article du 06.03.1968
[5] Ibid., article du 09.03.1968
[6] Ibid., article du 11.03.1968
[7] Ibid., article du 26.03.1968
[8] SEMIONOV, Y., РКК Энергия 1946-1996, p. 241
[9] PAVLENKO, O., К 35-летию полета корабля «Зонд-5», NK n°11-2003


Dernière mise à jour : 18 août 2018