Sokol | Le scaphandre Sokol-K

Le scaphandre Sokol-K est basé sur le scaphandre d'aviation Sokol, destiné aux pilotes du Soukhoï T-4. Il a été introduit dans le vaisseau spatial Soyouz (11F615) suite à l'accident de juin 1971, lors duquel une dépressurisation du Compartiment de Descente (SA) du vaisseau Soyouz-11 avait entraîné la perte de l'équipage.

1. Généralités

A partir de Soyouz-12, les cosmonautes doivent porter le Sokol-K durant toutes les phases dynamiques du vol, à savoir le lancement, l'amarrage et le retour sur Terre. En temps normal, le scaphandre n'est pas pressurisé, car il n'est utilisé que pour des situations d'urgence.

La tenue est constituée d'une première couche de protection, et d'une sous-couche en caoutchouc de 0,6mm d'épaisseur assurant l'étanchéité. De plus, le cosmonaute doit porter une tenue en coton avant d'enfiler son scaphandre.

Fig. 1.1 : Essai de pressurisation d'un Sokol-K sans sa couche de protection,
laissant apparaître la couche d'étanchéité.

Crédit : Russian Spacesuits.

Le Sokol-K doit pouvoir fonctionner pendant une durée de 125 minutes, ce qui correspond à la durée maximale avant le retour sur Terre en cas de dépressurisation du Compartiment de Descente.

Fig. 1.2 : Les deux couches du scaphandre Sokol-K, ainsi que la tenue coton.
Musée de l'Académie Mozhaïski. Crédit : Igor MARININE.

Ce scaphandre est conçu pour être utilisé avec la couchette Kazbek, qui protège le cosmonaute lors du choc au moment de l'atterrissage. Cette couchette oblige les cosmonaute à adopter une position fœtale très inconfortable. Le Sokol-K est structuré de manière à l'y aider, car sa position au repos est justement légèrement recourbée (ce qui donne l'allure quelque peu « bossue » aux cosmonautes quand ils sont debout avec leur Sokol-K).

Les gants GP-6 sont démontables.

Fig. 1.3 : Un gant GP-6.
Vente aux enchères Cornette de Saint-Cyr. Crédit : Nicolas PILLET.

Le Sokol-K a une masse de 9 à 10kg. Il faut entre 10 et 12 minutes pour l'enfiler. Ce critère est important car les cosmonautes doivent pouvoir revêtir rapidement leur scaphandre en cas de dépressurisation subite de leur vaisseau.

En cas d'amerrissage d'urgence, les équipages Soyouz ont à leur disposition la tenue de protection Forel, qui leur permet de flotter et les protège du froid. Mais s'ils n'ont pas le temps de la revêtir, le Sokol-K permet de survivre quelques heures dans l'eau froide. Le scaphandre ne flotte pas, mais les cosmonautes disposent de flotteurs spécialement conçus pour s'adapter au Sokol-K.

2. Le casque

Le Sokol-K est équipé d'un casque souple solidaire du reste de la combinaison. La partie arrière du casque est une extension des deux couches de la tenue. Le heaume, de forme sphérique, peut coulisser (manuellement) afin de donner plus d'aisance au cosmonaute dans les phases où il doit porter son scaphandre, mais où le risque de dépressurisation n'est pas immédiat (dans l'attente du lancement, par exemple).

Fig. 2.1 : Le casque souple du scaphandre Sokol-K.
Musée National d'Histoire de la Cosmonautique. Crédit : Nicolas PILLET.

Il s'est avéré que ce heaume était justement l'un des points faibles du Sokol-K, car il ne donne que peu de visibilité au cosmonaute. La visière du heaume, pour la première fois sur un scaphandre soviétique, est faite de polycarbonate. Le principal avantage de ce matériau, découvert en 1953, est sa grande résistance aux chocs.

L'étanchéité du heaume est assurée par un cadre métallique, dont l'une des deux parties est solidaire du heaume, et l'autre du haut de la combinaison.

3. Le système de ventilation et de fourniture d'oxygène

Le Sokol-K est un scaphandre de sécurité, destiné uniquement à fonctionner à l'intérieur du Compartiment de Descente (SA) du vaisseau Soyouz en cas de dépressurisation de celui-ci. Il n'est donc pas équipé de réserves d'oxygène autonomes, et dépend des réserves disponibles à bord du vaisseau.

En situation normale

Quand les cosmonautes portent leur scaphandre Sokol-K, celui-ci doit être ventilé de manière à éviter la condensation à l'intérieur, et à maintenir une température confortable. Deux ventilateurs (un par scaphandre) sont à bord du Compartiment de Descente et sont reliés au Sokol-K par un raccord.

Fig. 3.1 : Les flexibles d'alimentation en oxygène et de ventilation.
Musée National d'Histoire de la Cosmonautique. Crédit : Nicolas PILLET.

Avant que les cosmonautes n'embarquent à bord du vaisseau, ils doivent se raccorder à un petit ventilateur portatif PVU (Переносная Вентиляционная Установка).

Fig. 3.2 : Le boîtier de ventilation portable PVU.
Musée Mémorial de la Cosmonautique. Crédit : Nicolas PILLET.

En cas de dépressurisation

L'atmosphère de Soyouz est similaire à celle de la Terre (environ 20% d'oxygène et 80% d'azote). Toutefois, l'azote étant neutre, il n'est pas consommé au cours du vol et les réserves disponibles à bord ne contiennent donc que de l'oxygène. Ainsi, si l'on branchait directement le scaphandre de survie sur ces réserves, le cosmonaute respirerait 100% d'oxygène, et la pression partielle en oxygène dans la cabine finirait par monter, augmentant le risque d'incendie.

Il a donc été jugé préférable de brancher le scaphandre sur une réserve indépendante. Le choix de la proportion d'oxygène dans cette réserve est un compromis entre la limitation du risque incendie, d'une part, et l'autonomie, d'autre part.

En effet, pour une pression totale donnée, plus la pression partielle en oxygène est élevée et plus l'autonomie est grande. Il a été décidé conjointement par l'Usine Zvezda et par le TsKBEM de fixer la pression partielle en oxygène dans les réservoirs à 40% de la pression totale, qui est de 25MPa.

1. Eventage à l'extérieur avant l'atterrissage
2. Electrovannes
3. Bouteilles de gaz
4. Vannes d'isolement
5. Electrovannes
6. Vannes manuelles
7. Vannes d'essai
8. Détendeur

9. Scaphandre Sokol-K
10. Vanne de respiration
11. Gaine de ventilation
12. Interface ombilicale (avec vanne d'isolement)
13. Régulateur de pression
14. Départ vers le second scaphandre
15. Ventilateurs
16. Relai barométrique

Fig. 3.3 : Schéma du système de ventilation du Sokol-K.
Crédit : Russian Spacesuits.

Le système de fourniture d'oxygène est situé dans le Compartiment de Descente, dans l'emplacement occupé autrefois par le siège de gauche, qui a donc dû être supprimé.

Comme le montre la figure 3.3, ce système est constitué de deux lignes identiques, devant alimenter chacun des deux scaphandres. Chaque ligne comprend une bouteille à 25MPa (3), qui est isolée par une vanne manuelle (4) (sur la figure 3.4, ce sont les deux vannes du bas). Lors des phases du vol considérées comme risquées, cette vanne doit toujours être ouverte, afin de garantir la disponibilité de l'oxygène.

En aval, on trouve deux vannes en parallèle. L'une d'elle est manuelle (6) (les deux vannes du haut sur la figure 3.4) et permet aux cosmonautes de passer l'alimentation de leurs scaphandres sur les réserves de secours quand ils le souhaitent.

La seconde vanne est électrique (5). Elle est ouverte automatiquement si la pression dans le Compartiment de Descente passe en-dessous de 600hPa.

Fig. 3.4 : Le système de fourniture d'oxygène dans le vaisseau Soyouz-33.
Musée de l'Aviation de Plovdiv. Crédit : CollectSpace.

Une fois que l'une ou l'autre de ces vannes est ouverte, la ventilation en air est stoppée, et le gaz passe par un détendeur (8) et arrive dans le scaphandre par un flexible (figure 3.1). Il en ressort au travers d'un régulateur (13) qui maintient la pression interne à 400hPa. Le cosmonaute peut surveiller la pression grâce à un manomètre installé sur son poignet.

Le gaz est envoyé à un débit de 20 normo litres par minutes, ce qui correspond à 50 litres étant donné la pression réduite dans le scaphandre.

Fig. 3.5 : Un scaphandre Sokol-K avec ses deux raccords.
Musée Polytechnique de Moscou. Crédit : Nicolas PILLET.

Fig. 3.6 : Le manomètre sur le poignet du scaphandre Sokol-K.
Musée National d'Histoire de la Cosmonautique. Crédit : Nicolas PILLET.

Fig. 3.7 : Les cosmonautes MAKAROV et LAZAREV
avec leurs scaphandres Sokol-K et leurs PVU.

Crédit : Videocosmos.

Fig. 3.8 : Le régulateur de pression du scaphandre Sokol-K.
Musée National d'Histoire de la Cosmonautique. Crédit : Nicolas PILLET.

4. Raccordement électrique

Les systèmes du scaphandre Sokol-K fonctionnent sans électricité, mais celui-ci est toutefois doté de deux câbles qui doivent être connectés au Compartiment de Descente du vaisseau Soyouz afin d'assurer les communications radios et la transmission des données de suivi médical.

Fig. 4.1 : Le câble électrique pour les communications audio.
Musée National d'Histoire de la Cosmonautique. Crédit : Nicolas PILLET.

Fig. 4.2 : Les deux câbles électriques (audio et médical).
Musée National d'Histoire de la Cosmonautique. Crédit : Nicolas PILLET.

5. Bilan

Même s'il n'a heureusement jamais servi, le scaphandre Sokol-K présente un bilan très positif. L'Usine Zvezda tire toutefois plusieurs retours d'expériences amenant des points à améliorer.

Tout d'abord, les cosmonautes se plaignent d'écarts entre les caractéristiques (forme et dimensions) du scaphandre et celles de la couchette Kazbek, ce qui diminue sensiblement le confort, principalement au niveau des genoux.

D'autre part, le système d'enfilage du scaphandre est jugé trop complexe et trop chronophage. Il doit être scellé par des lacets, ce qui prend beaucoup de temps dans l'optique d'une situation d'urgence où chaque seconde compte.

Fig. 5.1 : Le système de fermeture par lacets du Sokol-K.
Crédit : Russian Spacesuits.

Les cosmonautes ont également jugé que l'emplacement du régulateur de pression, sur l'abdomen, n'était pas pratique. Ils trouvent aussi que le heaume du casque offre trop peu de visibilité.

Enfin, le débit de gaz relativement faible, ainsi que sa faible pression partielle d'oxygène sont suffisants pour assurer la survie du cosmonaute, mais ne permettent pas d'assurer un métabolisme normal.

Bibliographie

[1] ABRAMOV, I., SKOOG, I., Russian Spacesuits, Springer&Praxis, Chichester, 2003


Dernière mise à jour : 20 août 2015