Almaz | Systèmes optiques

1. Généralités

Les stations Almaz, propriété du Ministère de la Défense d'Union soviétique, étaient à vocation strictement militaire. Elles devaient permettre à l'équipage d'observer dans les domaines visible et infrarouge n'importe quel point du globe situé sous son orbite. Le système optique des stations Almaz est constitué :

- du télescope Agat-1,
- du système infrarouge Volga,
- du système topographique ASA-34R,
- du viseur OD-4M,
- de l'instrument panoramique POU,
- du périscope Sokol-1,
- du détecteur infrarouge Yantar-P.

Par ailleurs, les stations Almaz devaient également être équipées d'un système de Renseignement d'Origine Electromagnétique (ROEM), complémentaire des systèmes optiques. Celui-ci n'a toutefois pas été développé suffisamment tôt, et n'a jamais été utilisé.

2. Le télescope Agat-1

Le télescope Agat-1 (11V38) est fourni par l'usine KMZ de Krasnogorsk, qui avait déjà développé les appareils optiques des satellites Zenit-2 (11F61). Il s'agit du premier objectif catadioptrique utilisé dans l'Espace, technologie dont l'avantage est le faible encombrement [1].

Agat-1 est capable d'observer une zone de 20km, avec une résolution de 1m en mode photo, et de 1,5m en mode film [1].

Fig. 2.1 : Le télescope Agat-1.
Crédit : Novosti Kosmonavtiki.

Agat-1 est équipé d'un miroir Kometa-11A fourni par l'institut Vavilov. Il a un diamètre de 1m, et une focale de 6,5m. La mise au point peut être soit automatique (AFO) soit manuelle (VIFO). Les clichés sont stockés sur trois pellicules différentes : TO-1 et TO-2 pour les photos (420mm), et FTT pour les films (530mm). Chaque pellicule a une longueur de 500m. L'objectif est situé sous la station, et n'est pas accessible à l'équipage. Seule la chambre du télescope (KM-101) leur est accessible, ce qui leur permet notamment de changer les pellicules [1].

Fig. 2.2 : La section de grand diamètre d'une station Almaz.
Le grand espace vide au premier plan sert à accueillir le télescope Agat-1
Almaz n°205. Crédit : Nicolas PILLET.

L'Agat-1 est équipé d'un système de photo-télévision (FTS) appelé Petchora, qui est fourni par l'institut de télévision de Leningrad (VNIIT). Il inclut les systèmes Sviet et Topaz, fournis par le TsKB Sokol et l'usine FotoPribor, tous deux situés à Tcherkassy, en Ukraine [2]. Sur Saliout-5, Topaz a été remplacé par le système amélioré Rakkord [2], développé avec l'institut GosNIIKhimFotoProïekt de Moscou [1].

Sviet permet aux cosmonautes de visualiser les photos, alors que Topaz et Rakkord permettent de visualiser les films. Les pellicules TO-1 et TO-2 peuvent être envoyées sur Terre dans une capsule KSI, alors que les films enregistrés sur les pellicules FTT doivent obligatoirement être transmis par radio [1].

 

Fig. 2.3 : Les systèmes Topaz et Rakkord.
Crédit : Rauf ABLIAZOV.

Le télescope peut fonctionner en mode automatique (sous le contrôle de l'ordinateur de bord Argon-12A) ou en mode manuel. L'équipage doit alors utiliser le pupitre de commande et le viseur OD-4M [1].

Fig. 2.4 : Le logement de l'Agat-1 sur une coque de station Almaz,
vu de l'extérieur et de l'intérieur.
Almaz n°206. Crédit : Nicolas PILLET.

La station Almaz est équipée d'un capteur de vitesse 138K (11V311, Датчик Скорости Ижображения), fourni par le TsKB Gueofizika. Il permet de compenser la rotation de la Terre, et donc d'obtenir des images plus nettes avec le télescope Agat-1 [1].

3. Le système infrarouge Volga

Volga (11V33) est le premier système soviétique permettant d'observer la Terre en infrarouge depuis l'Espace [1]. Il est développé par l'Institut National d'Optique Appliquée (GIPO) de Kazan, sous la direction de D.C. GALIAKBEROV [3].

Avec son miroir d'environ 50cm de diamètre, il permet d'obtenir des images dans des longueurs d'onde comprises entre 3,2µm et 5,2µm, c'est à dire dans l'infrarouge moyen. Les images couvrent une zone de 30km de large, avec une résolution de 100m, et une résolution thermique de 2,5°C. Pour atteindre cette précision, l'objectif doit être refroidi à 77K [1].

Le système de refroidissement est fourni par le NII MKT d'Omsk, et le système de prise de vue est développé conjointement par le NIIPF et l'OKB MEI, de Moscou. Les pellicules ne peuvent pas être développées en orbite et doivent être ramenées sur Terre [1].

4. Le système topographique ASA-34R

Le système ASA-34R (11V310), développé par l'usine KMZ de Krasnogorsk, permet de dresser des cartes topographiques de la surface terrestre. Pour cela, il prend simultanément des photos du sol, avec l'appareil photo SA-34R, et des étoiles, avec le capteur stellaire SA-33R [1]. Ces appareils sont dérivés des SA-33 et SA-34 qui étaient utilisés sur les satellites Zenit-2 (11F61) [1][4].

L'ASA-34R peut fonctionner soit de manière autonome, soit de manière synchronisée avec le télescope Agat-1, afin de combiner les vues détaillées et les données topographiques. Il fournit des images qui couvrent une zone de 180km de côté, avec une résolution de 10m [1].

Le SA-34R utilise des pellicules de 190mm et de 100m de long, alors que le SA-33R utilise des pellicules de 80mm et de 70m de long. Les images doivent être ramenées sur Terre pour être développées [1].

5. Le viseur OD-4M

Le viseur OD-4M (11V312) permet à l'équipage d'Almaz d'observer la Terre avec une focale variable. Il est développé par le LOMO de Saint-Pétersbourg. A un certain moment, il a été remplacé sur les stations Almaz par la version améliorée OD-5 [1].

Fig. 5.1 : Le viseur OD-5.
Crédit : NPO Mach.

Le viseur peut être orienté selon un angle de ±30° en roulis, et de (-15°,+50°) en tangage, et il est équipé d'un système qui compense la vitesse de la station, ce qui permet à l'utilisateur de figer l'image. Il peut fonctionner en deux modes de grossissement (de 2,5 à 8 fois, ou de 25 à 80 fois). En utilisant un objectif spécial, le grossissement peut atteindre 160 fois. Les observations peuvent être enregistrées à l'aide de l'appareil photo FN-454 et de la caméra vidéo AKS-2K. Les pellicules doivent être ramenées sur Terre pour être développées [1].

Fig. 5.2 : Le viseur OD-4M.
Crédit : Novosti Kosmonavtiki / Igor MARININE.

Fig. 5.3 : L'objectif du viseur OD-5 sous la station Almaz.
Almaz n°206. Crédit : Nicolas PILLET.

6. Le système à vision panoramique POU

Le système à vision panoramique (11V31) POU (Панорамно-обзорное Устройство) permet à l'équipage de visualiser en temps réel des images de la surface terrestre sur un écran de 340mm de diamètre [3].

Fig. 6.1 : Le système POU.
Crédit : NPO Mach.

Le POU est fourni par le LOMO de Leningrad. L'objectif est incliné de 25° par rapport au vecteur vitesse de la station, et il peut être orienté dans une fourchette de ±60°, ce qui permet à l'observateur de suivre sa cible aussi longtemps qu'elle est en vue de la station. La résolution est de 30m [1].

Fig. 6.2 : L'écran du système POU au poste de pilotage d'Almaz.
Crédit : Novosti Kosmonavtiki / Igor MARININE.

Sur l'écran, des repères indiquent la cible actuellement sélectionnée par le viseur OD-4M. Cela permet au cosmonaute de présélectionner sa cible avec le POU, avant de l'observer en détail avec le viseur [1].

Fig. 6.3 : L'emplacement du POU et le hublot par lequel il observe la Terre.
Almaz n°205. Crédit : Nicolas PILLET.

7. Le périscope Sokol-1

Le périscope Sokol-1 (11V021) est développé par le TsKB Foton, et construit par l'usine KOMZ, tous deux situés à Kazan. Il permet à l'équipage d'observer l'extérieur de la station [1].

Fig. 7.1 : Le viseur du périscope Sokol-1.
Crédit : Novosti Kosmonavtiki / Igor MARININE.

Le périscope est utilisé pour surveiller l'état de certains systèmes extérieurs, comme les panneaux solaires ou les antennes, et peut servir à diriger l'armement du système de défense Chtchit, en cas d'attaque de la station par des moyens ennemis. Il peut être orienté selon un angle horizontal de ±210°, et selon un angle vertical de (-10°;+90°). Il possède deux modes de grossissement (1,5 fois et 6 fois), et les observation peuvent être enregistrées sur une pellicule vidéo [1].

8. Le détecteur infrarouge Yantar-P

Le détecteur infrarouge Yantar-P (11V35P) est fourni par le TsKB Arsenal de Kiev. Il s'agit d'un moyen complémentaire au périscope Sokol-1 pour assurer la défense de la station en cas d'attaque extérieure, en détectant la chaleur produite par un éventuel missile en approche [1].

Le Yantar-P peut fonctionner dans deux bandes de fréquences différentes (1,7µm - 3,2µm et 2,55µm - 3,2µm). Avec son détecteur KYou-S1 [3], il peut détecter une source de chaleur dans un azimut de ±39° et une élévation de (-23°;+5°) autour de l'axe longitudinal de la station [1].

9. Le système électromagnétique Krona

En plus des systèmes optiques, les stations Almaz devaient être équipées d'un système de Renseignement d'Origine Electromagnétique (ROEM) appelé Krona. Développé au TsNII-108 sous la direction de M.E. ZASLAVSKI, il est construit autour du système de détection électromagnétique Koust-71, qui peut fonctionner soit en mode automatique, soit en mode manuel. Il utilise des circuits intégrés de type Loguika [5].

Les données recueillies par Krona sont envoyées au sol par radio, et sont reçues par une station spécialement équipée. Cette station n'a été construite qu'en 1976. Au moment de l'annulation du programme Almaz, le système Krona n'a pas eu le temps de voler [5].

10. Les appareils manuels

Pour filmer la Terre, l'équipage dispose du caméscope 16-SPKM. Les cosmonautes peuvent également visionner des diapositives avec le projecteur 118K, fourni par le TsKB Gueofizika [6].

Bibliographie

[1] DOUBENSKOV, O., MAÏOROV, E., Оптическая аппаратура ОПС "Алмаз"
[2] ABLIAZOV, R., Моя жизнь на изломах двух веков
[3] EVTIEÏEV, I., Опережая время, p. 358
[4] KIRILINE, A., Космическое аппаратостроение
[5] RAKITINE, S., Создание средств космического радиотехнического наблюдения
[6] EVTIEÏEV, I., Опережая время, p. 336


Dernière mise à jour : 25 avril 2015