Soyouz-15 | Chronologie1. Lancement de Soyouz-15Le 26ème lanceur Soyouz (11A511 n°С15000-30) décolle du pas de tir n°5 (17P32-5) de la zone n°1 du cosmodrome de Baïkonour le 26 août 1974 à 19h58'05" GMT. La charge utile est constituée du vaisseau spatial Soyouz-15 (11F615A9 n°63), qui est placé avec succès sur une orbite basse (254km x 275km x 51,6°). L'équipage est constitué du commandant Guennadi SARAFANOV et de l'ingénieur de bord Lev DIOMINE. Fig. 1.1 : Décollage de Soyouz-15. Soyouz-15 entame ensuite sa phase de rendez-vous avec la station orbitale Saliout-3, où il doit rester amarré pendant vingt-cinq jours. 2. Première tentative de rendez-vous avec Saliout-3Le rendez-vous avec la station Saliout-3 est réalisé le 27 août 1974 à l'aide du système automatique Igla et comporte trois phases successives. La première, de 25km à 3km, se déroule sans incident, ce qui est également le cas de la seconde phase, entre 3km et 300m [1]. Lors de la troisième phase, entre 300m et le contact, le contrôle-commande du système Igla subit un dysfonctionnement et bascule dans le mode de la première phase [1]. Soyouz-15 n'est qu'à 350m de Saliout-3, mais Igla se comporte comme s'il en était à 20km [2]. Il envoie donc un ordre de démarrage du moteur principal SKD, qui donne au vaisseau une vitesse relative de 72km/h, bien trop importante [2]. A ce moment, ni l'équipe au sol, ni l'équipage ne comprennent ce qu'il se passe, car aucune anomalie n'est signalée [1]. Avec sa vitesse, Soyouz-15 pourrait entrer en collision violente avec Saliout-3. Toutefois, comme Igla fonctionne dans son mode de longue distance, il donne également une vitesse latérale au vaisseau, qui passe ainsi à 40 mètres de la station [2]. Il s'éloigne ensuite de Saliout-3 d'environ 2 à 3km [1]. 3. Deuxième tentative de rendez-vousLa Commission d'Etat, après une analyse très succincte des données envoyées par Igla, décide de réaliser une deuxième tentative de rendez-vous. Le major-général Vladimir CHATALOV, membre de la Commission, considère que cette nouvelle tentative est extrêmement risquée, car elle pourrait entraîner la collision de Soyouz-15 et de Saliout-3 [1]. Il connait bien ce type de situations pour avoir lui-même vécu un dysfonctionnement du système Igla quand il commandait le vaisseau Soyouz-8, cinq ans plus tôt. CHATALOV propose à ses collègues de la Commission de déconnecter Igla à une distance de 800 à 1000m, et de poursuivre l'approche en mode manuel. Malgré l'opposition de certains membres qui souhaitent impérativement que l'amarrage se déroule de façon automatique, Sergueï AFANASSIEV, le Ministre du MOM, décide d'accepter la proposition de CHATALOV [1]. Ce dernier se rend dans la salle de contrôle du vol, dirigée par Alekseï ELISSEÏEV, et ordonne de passer en manuel une fois le vaisseau arrivé à 800 mètres de la station. L'approche est déjà en cours et Soyouz-15 n'est déjà plus qu'à environ 1000 mètres de Saliout-3. Comme tout semble se dérouler normalement, les personnes présentes (ELISSEÏEV, Boris TCHERTOK, Armen MNATSAKANIAN) répondent à CHATALOV qu'il est préférable de rester en mode automatique [1]. Mais le même phénomène se reproduit : au lieu de basculer dans sa troisième phase de fonctionnement, le boîtier de commande d'Igla revient à la première. De nouveau le SKD est mis en service, et de nouveau Soyouz-15 passe à quelques mètres seulement de Saliout-3 [1]. 4. Troisième tentative de rendez-vousSuite à ce deuxième échec, la Commission d'Etat se réunit de nouveau et constate que, comme le disait CHATALOV, le système Igla est bien à l'origine du problème, et l'amarrage doit être réalisé en manuel. La Commission demande à l'équipe de contrôle du vol de transmettre de nouvelles instructions à l'équipage afin qu'il tente un rendez-vous en manuel. Les instructions en question sont envoyées, mais le message est interrompu car Soyouz-15, à ce moment là, sort de la zone de visibilité radio [1]. Ainsi, SARAFANOV et DIOMINE n'ayant pas les bonnes informations, ils tentent de nouveau une approche automatique à l'aide d'Igla, et le défaut se produit de nouveau [1]. 5. Retour sur TerreQuand Soyouz-15 peut de nouveau contacter le sol, l'équipe de contrôle constate que les trois tentatives infructueuses d'amarrage sur Saliout-3 ont consommé la totalité des réserves d'ergols prévues pour les opérations de rendez-vous. Ne restent dans les réservoirs que la quantité nécessaire pour rentrer sur Terre, avec une marge de sécurité [1]. Comme il n'est pas question de consommer ces ergols, l'équipe de contrôle donne l'ordre à l'équipage de se préparer à rentrer sur Terre. Le moteur SKD est mis en service le 28 août 1974 à 19h24 GMT, et le Compartiment de Descente (SA) atterrit à 20h10'16" GMT à 48km au sud-ouest de Tselinograd, au Kazakhstan [3]. Les opérations de récupération ne sont pas simples car les conditions météorologiques sont très mauvaises. Par ailleurs, Soyouz-15 réalise le premier atterrissage de nuit de toute l'Histoire des vols habités. Les avions le repèrent toutefois facilement, et un hélicoptère se pose près du SA quelques minutes seulement après son atterrissage. Les cosmonautes sont emmenés à l'aéroport de Tselinograd quelques instants après leur atterrissage, et reviennent à la Cité des Etoiles le 30 août 1974 [3]. Fig. 5.1 : DIOMINE et SARAFANOV de retour au TsPK, le 30 août 1974. 6. Enquête sur les causes de l'échecUne commission d'enquête est créée après le retour de SARAFANOV et DIOMINE afin de déterminer les causes de l'échec de leur mission. Son président est Boris TCHERTOK, du TsKBEM, et son adjoint est le colonel Evgueni PANTCHENKO, des Forces spatiales [2]. Très rapidement, grâce à l'aide des experts du NII TP d'Armen MNATSAKANIAN, la commission comprend les causes techniques du mauvais fonctionnement du système Igla [1][2]. Mais les échecs des deuxième et troisième tentatives d'amarrage sont également dus au facteur humain. CHATALOV insiste pour que le rapport final mentionne la non-exécution de l'ordre de passage en manuel que la Commission d'Etat avait donné pour la deuxième tentative [1]. Cet évènement mènera à une réforme du contrôle des vols spatiaux en Union soviétique, et chaque vol aura dorénavant derrière lui une équipe spécifiquement dédiée aux opérations d'amarrage [2]. Bibliographie
[1] CHATALOV, V., Космические будни, Moscou, 2008, pp. 162-165
Dernière mise à jour : 9 septembre 2018 |
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