Soyouz en Guyane | Description

1. Le site de Malmanoury

L'Ensemble de Lancement Soyouz (ELS) n'est pas installé à Kourou, mais sur le site de Malmanoury-nord, situé sur le territoire de la commune de Sinnamary.

Il est éloigné des Ensembles de Lancement Ariane (ELA) de 10km, du village de Sinnamary de 18km, et du port de Kourou de 27km.

Il a été choisi car il répondait à plusieurs critères. Premièrement, le sol est fait d'une roche dure et peu profonde, ce qui est idéal pour les fondations. Il permet également d'effectuer des tirs aussi bien vers le nord que vers l'est sans survoler de zones habitées. Son troisième avantage est qu'il est éloigné des populations locales, ce qui répond aux contraintes de sécurité en cas d'accident au sol. De plus, l'éloignement relatif des ELA satisfait certaines craintes concernant l'espionnage industriel, tant du côté russe que du côté français.

Le site de l'ELS couvre une surface de 120 hectares; il comprend 20000m2 de surface bâtie.

2. Organisation générale

L'Ensemble de Lancement Soyouz est organisé en trois grandes zones : la zone de lancement, la zone de préparation et le centre de lancement. Ces infrastructures sont destinées à assurer la préparation finale du lanceur et de la charge utile. Cette dernière aura été conditionnée et aura reçue sa coiffe dans les bâtiments construits à l'origine pour Ariane 5.

2.1. Le Centre de Lancement (CDL)

Il n'est pas très différent - dans le principe - des CDL2 et CDL3  utilisés pour les lanceurs Ariane. Il est construit comme un blockhaus renfermant tous les instruments de contrôle permettant de gérer le vol. Il est équipé d'une dalle supérieure de 2 à 3 mètres d'épaisseur en cas d'explosion d'un lanceur à faible altitude.

2.2. La zone de préparation du lanceur (ZP)

Elle n'abrite qu'un seul bâtiment : le MIK (Монтажно-испытательный корпус). Construit sous la responsabilité du KBOM, il est destiné à recevoir les éléments du lanceur arrivés par bateau depuis Saint-Pétersbourg. Lors d'une campagne de lancement, les trois premiers étages sont assemblés à l'horizontale, exactement de la même manière qu'à Baïkonour ou à Plesetsk.

Mais contrairement à ce qui se passe sur les cosmodromes russes, les trois étages du lanceur sont emmenés sur le pas de tir sans le composite supérieur (KGTch), constitué du quatrième étage Fregat, de la charge utile (CU) et de la coiffe. Le transfert du lanceur vers le pas de tir se fait à l'horizontale, comme en Russie, et par voie ferrée. Le véhicule ferroviaire pousse la fusée, les moteurs dirigés vers l'avant. La distance à parcourir est de 700m.

Parallèlement à la préparation des trois premiers étages se déroule celle du composite supérieur. Le MIK est spécialement conçu pour que ces deux opérations puissent y être conduites simultanément. Un banc d'essais spécial pour le Fregat est installé. Ainsi, l'étage arrivé par bateau à Kourou est placé dessus, et il attend la CU et la coiffe, qui sont, quant à elles, préparées à l'extérieur de l'ELS. Contrairement à la procédure russe, l'assemblage du KGTch se déroule à la verticale.

2.3. La Zone de Lancement (ZL)

Le pas de tir :

Il est relié au MIK, éloigné de 700m, par une voie ferrée. Elle permet le transfert du lanceur et du KGTch. Le pas de tir est très semblable à ceux qui sont installés à Baïkonour et à Plesetsk. L'une des principales différences est qu'il n'est pas mis en rotation. Sur les cosmodromes russes, les pas de tir peuvent tourner de manière à orienter la fusée. Cet aménagement était rendu nécessaire par le fait que les précédentes versions du lanceur Soyouz ne pouvaient pas effectuer de manœuvre de changement de plan. Comme la version Soyouz-2, qui est lancée de Guyane, est capable de telles opérations, la rotation de la plate-forme n'est plus utile. Le pas de tir est également équipé de quatre grands paratonnerres.

Le carneau :

L'une des particularités du carneau est qu'il est creusé directement dans le granit. Les travaux ont commencé en avril 2006 et doivent durer un an. Le carneau a une longueur de 130m, une largeur à peine plus faible, et une profondeur d'environ 25m. Le granit a une très faible perméabilité et ne devrait donc pas permettre à l'eau de s'infiltrer. Cependant, par précaution, le carneau sera recouvert d'une paroi étanche et sera pourvu d'un système de pompage.

Le portique :

Sa construction est sous la responsabilité de la société européenne Contraves, qui sous-traite au KBOM. Là-bas, il est désigné par l'acronyme MBO (Мобильная Башня Обслуживания). Il est destiné à abriter le lanceur (les trois premiers étages) une fois qu'il a été amené sur le pas de tir. Ensuite, le KGTch est amené en position verticale à sa base et est hissé jusqu'au sommet, puis placé sur le troisième étage.

L'utilisation d'un tel portique est rendue nécessaire par la pluviométrie, beaucoup plus importante en Guyane qu'à Baïkonour (3000mm/an contre 290mm/an), et par l'exigence de cohérence entre Ariane et Soyouz. Les satellites commerciaux qui doivent être mis en orbite par le lanceur européen doivent en effet être conçus pour être assemblés à la verticale. Comme Arianespace veut rester dans sa philosophie de "gamme de lanceurs", elle doit imposer aux charges utiles lancées par Soyouz d'être élaborées de la même manière que si elles devaient l'être par Ariane, c'est-à-dire prévues pour être intégrées verticalement.

Le portique a une hauteur de 53m et une masse de 1200t. Il est monté sur rails, ce qui lui permet de s'éloigner du pas de tir d'environ 60m avant le décollage.

2.4. Autres infrastructures

L'ELS est également équipé de trois zones de stockage d'ergols.

3. Déroulement d'une campagne Soyouz

Dans un premier temps, les éléments du lanceur sont acheminés par voie ferrée de leur lieu de construction (Samara) vers Saint-Pétersbourg. Là, ils prennent le bateau vers la Guyane française. Ils sont débarqués au port de Kourou et sont montés sur des remorques de fabrication française capables de transporter de 60 à 80 tonnes. Ils sont ensuite déposés dans le MIK et assemblés pour former le lanceur tri-étages, puis le tout subit toute une batterie d'essais.

Pendant que toutes ces opérations avaient lieu, la charge utile a elle aussi rejoint Kourou, mais par voie aérienne. Après son atterrissage à l'aéroport Félix Eboué (anciennement Rochambeau), elle a été emmenée dans l'EPCU (bâtiment faisant partie des Ensembles de Lancement Ariane) où elle y a été préparée. De même, après son intégration dans le MIK, l'étage Fregat a été amené dans l'EPCU pour y être rempli en ergols.

Une fois que la charge utile et l'étage Fregat sont prêts, ils sont arrimés l'un à l'autre dans le Hall d'eNcapsulation (HN) de l'EPCU et encapsulés dans la coiffe. Le tout forme le KGTch.

Quatre jours avant le lancement, le lanceur tri-étages est transporté par voie ferrée jusqu'au pas de tir, où il est érigé à la verticale. Quelques heures après, le KGTch est amené par voie routière en position verticale jusqu'à la base du portique. Il est alors hissé jusqu'au sommet par une grue, puis arrimé au troisième étage.

Trois jours avant le tir, une répétition générale du compte à rebours est effectuée. La veille du lancement, les équipes du CSG procèdent à la Revue d'Aptitude au Lancement (RAL). Elle permet de décider ou non du remplissage des réservoirs et de la poursuite du compte à rebours.

A l'heure H0-8h, le compte à rebours est lancé. A H0-4h18', le remplissage des réservoirs du lanceur commence. A H0-2'35", le KGTch est déconnecté du pas de tir. A H0-20", l'ordre de lancement est donné. Si un report doit intervenir après cet instant, le lanceur devra être ramené au MIK et tout devra être recommencé.