Ekran | Histoire1. Les débuts du projetDepuis le début des années 1960, l'Union soviétique dispose du réseau de télécommunications par satellites Orbita-Molnia, basé sur les satellites à orbites fortement elliptiques de classe Molnia. Le pays abrite pas moins de 69 stations de réception Orbita. Ce réseau permet de retransmettre les données des satellites Molnia sur seulement 20% du territoire soviétique mais, du fait des fortes inégalités de peuplement, 80% de la population est couverte. Les 20% d'individus restants sont éparpillés sur d'immenses territoires, notamment en Extrême-Orient et dans le Grand Nord, et les 2 millions de roubles que coûte une station Orbita ne permettent pas d'en construire suffisamment pour fournir les services à tout le monde. Fig. 1.1 : Une station Orbita. Pour combler ce vide, il est décidé de faire appel à des satellites géostationnaires dotés d'émetteurs de forte puissance, qui permettraient de se passer de stations de réception et d'envoyer directement les données dans les foyers soviétiques. Un décret publié en 1967 par le Comité Central du Parti communiste et le Conseil des Ministres officialise ce projet [6]. Les satellites Radouga (11F638) serviront pour les communications, mais un autre réseau devra être mis sur orbite pour retransmettre les émissions de télévision. Ces transmissions directement chez l'utilisateur, ce qu'on appelle NTV (Непосредственное Телевещание) en russe, ou DBS (Direct-broadcast satellite) en anglais, seront une première mondiale. Des expériences ont déjà été réalisées dans ce domaine, notamment aux Etats-Unis avec le satellite ATS-6 en 1974, mais jamais ce principe n'a été utilisé de façon opérationnelle. Les futurs satellites de télévision directe seront construits par la NPO PM de Zheleznogorsk, et ils réutiliseront la plate-forme KAUR-3 des satellites Radouga (11F638). Les études commencent en 1970 et ces nouveaux satellites sont baptisés Ekran-AM (11F648) [6]. Le suffixe AM signifie que les transpondeurs fonctionneront en modulation d'amplitude (Амплитудная модуляция), ce qui implique qu'ils consommeront une forte puissance électrique (1500W). Pour la fournir, les équipes de la NPO PM projettent de doter les Ekran-AM d'un réacteur nucléaire Topaz-2 / Enisseï de 5kW. Cependant, en 1971, la Conférence Mondiale Administrative de la Radio (WARC-71) interdit la transmission d'émissions télévisées depuis l'Espace en modulation d'amplitude. Le développement du Ekran-AM et du Topaz-2 est donc arrêté [6]. Un nouveau projet fonctionnant en modulation de fréquence, baptisé Ekran-TchM (11F647) est démarré à la place. Il sera plus tard simplement dénommé Ekran. La retransmission de télévision dans toute l'Union soviétique devient en 1976 une priorité nationale, et le projet fait partie des décisions du XXVème Congrès du Parti communiste de février 1976. Fig. 1.3 : Extrait du compte-rendu du XXVème Congrès du Parti communiste. 2. La mise en place des EkranLe premier satellite Ekran est mis sur orbite géostationnaire par un lanceur Proton-K (8K82K) équipé d'un étage supérieur Bloc DM (11S86) le 26 octobre 1976. La proportion du territoire soviétique qui reçoit la télévision passe de 20% à 70%. Le satellite est enregistré sur les registres internationaux sous le nom de Statsionar-T. Un deuxième Ekran est lancé le 20 septembre 1977, mais les trois satellites suivants, lancés en 1978, sont perdus suite à des échecs répétés du lanceur Proton-K. Les deux satellites déjà en orbite ont une durée de vie très limitée et dérivent progressivement de leur position orbitale. Comme ils ne sont pas remplacés, le service de télévision cesse de fonctionner. Cette situation pose de multiples problèmes, et le Comité pour la Sécurité Nationale (KGB) lance une enquête pour déterminer s'il y aurait pu avoir un sabotage à Baïkonour. Les résultats seront négatifs. Deux lancements réussis en 1979 permettent de rétablir les transmissions. 3. Les satellites Ekran-M et la difficile période post-soviétiqueEn 1987, une version améliorée Ekran-M (11F647M) est inaugurée. Ces nouveaux satellites sont dotés d'une plus grande capacité de transmission, et d'une durée de vie plus longue. Le premier lancement, réalisé le 30 janvier 1987, est un échec. En revanche, le deuxième est un succès le 27 décembre 1987. En 1991, le programme Ekran souffre de la dislocation de l'Union soviétique. Selon les accords ratifiés par les différentes parties, chacune des ex-Républiques socialistes se retrouve propriétaire de tout ce qui se trouve sur son territoire à la date du 31 août 1991. Le satellite Ekran-M n°16, livré à Baïkonour en décembre 1990, devient donc propriété du Kazakhstan. La Fédération de Russie n'a donc pas le droit de le lancer, et le Kazakhstan ne possède pas de lanceur capable de l'envoyer sur orbite [2]. Le satellite suivant, Ekran-M n°17, n'est livré à Baïkonour qu'en décembre 1991, et reste donc propriété de la Russie. La décision de le lancer n'a toutefois jamais été prise, et il est resté stocké plusieurs années à Baïkonour. Il devait être rapatrié chez la NPO PM en avril 2001 afin d'être requalifié, mais il n'a finalement jamais été lancé [2]. Le satellite Ekran-M n°15 a eu plus de chance, et a pu être mis sur orbite le 30 octobre 1992. Signe des temps qui changent, son lanceur a été estampillé du logo d'une marque de cigarettes américaines, à des fins publicitaires. Fig. 3.3 : Le satellite Ekran-M n°15 sur le pas de tir, en octobre 1992. Le décret gouvernemental n°1016 du 20 septembre 1997 demande de lancer Ekran-M n°16, le satellite « kazakh », au quatrième trimestre 1998, afin de remplacer le n°15, qui arrivera en fin de vie. Il est finalement prévu de le lancer en novembre 1999, lors de l'un des vols d'essais du nouvel étage supérieur Briz-M. Le satellite doit toutefois être ramené chez la NPO PM afin d'être requalifié suite à son stockage de plusieurs années [3]. Finalement, il est décidé de lancer Ekran-M n°16 sur le premier Proton-M. Le satellite est ramené à Baïkonour en juillet 2000 [3], et en décembre 2000, il est placé au sommet du premier Proton-M lors de ses essais sur le pas de tir [2]. Le 14 janvier 2001, le dernier Ekran-M en orbite, le n°15, perd l'un de ses deux transpondeurs, et il devient donc urgent de le remplacer. Au même moment, la NPO PM signale que plusieurs problèmes techniques sont apparus avec le n°16, et qu'il ne pourra pas être lancé avant un certain temps. Vu l'urgence de la situation, il est décidé de lancer le n°18 à sa place [3]. Fig. 3.4 : Maquette d'un satellite de deuxième génération Ekran-M. Mais ce qui devait arriver arriva : le 15 mars 2001, le satellite n°15 tombe définitivement en panne. Le service est interrompu, et environ 20 millions de Russes se retrouvent sans télévision. Les émissions sont partiellement retransmises par le satellite Ekspress-6A à partir du 19 mars, mais la reprise complète du service dépend du lancement de Ekran-M n°18 [4]. Le satellite Ekran-M n°18, dernier de sa catégorie, est finalement mis sur orbite le 7 avril 2001 par le premier lanceur Proton-M. Les services reprennent alors normalement, et durent jusqu'au 9 février 2009, date à laquelle Ekran-M n°18 cesse d'émettre. Le GPKS, l'organisme en charge de l'exploitation des satellites Ekran, met alors fin au programme [5]. Bibliographie[1] KOPIK, A., 30 лет отечественному непосредственному спутниковому..., NK
n°12-2006 Dernière mise à jour : 13 avril 2014 |
|