7K-T n°39 | ChronologieLe 28ème lanceur Soyouz (11A511 n°Х15000-23) décolle du pas de tir n°5 (17P32-5) de la zone n°1 du cosmodrome de Baïkonour le 5 avril 1975 à 11h04'54,038" GMT. La charge utile est constituée d'un vaisseau spatial Soyouz (11F615A8 n°39), dont l'équipage est constitué du commandant Vassili LAZAREV et de l'ingénieur de bord Oleg MAKAROV. La première phase du vol se déroule normalement. Au bout de 118" de vol, les Blocs B, V, G et D se séparent conformément au programme. Approximativement 40" plus tard, c'est au tour de la coiffe et de la tour d'éjection d'être larguées. A H0+180", le TsUP informe l'équipage que le déroulement des opérations est nominal. La prochaine étape du lancement est la séparation du second étage, le Bloc A, qui doit intervenir à H0+287,29". Mais rien ne se passe. Les cosmonautes ont déjà voyagé dans l'Espace et connaissent donc très bien la séquence habituelle de lancement. LAZAREV annonce au TsUP que le tangage semble plus important que la normale. C'est précisément à cet instant que, simultanément, le Soleil disparait du hublot et qu'une sirène retentit dans la cabine. Les étages 2 et 3 sont reliés par une structure en treillis rattachée en douze points (6 en dessous et 6 au dessus) par des boulons explosifs. Lors d'une séquence normale, le deuxième étage est largué, puis le troisième étage est allumé et six secondes plus tard la pièce de jonction est larguée à son tour. Fig. 2 : Cette image, prise en 2006, montre la structure en treillis Mais le 5 avril 1975 les événements se déroulent différemment. Quelques secondes seulement avant l'instant prévu pour la séparation du deuxième étage, un taux de vibration anormalement élevé déclenche un relais électrique qui commande immédiatement l'explosion de trois des boulons supérieurs (ceux qui relient la pièce de jonction au troisième étage). Le choc dû à cette explosion prématurée détruit les connexions électriques qui permettent d'actionner les autres boulons. En conséquence, le deuxième étage, tout comme la pièce de jonction, sont incapables de se séparer. Le troisième étage, quant à lui, s'était allumé comme prévu à H0+283". L'énorme charge que représente le deuxième étage, même vide (6,55t), perturbe la trajectoire. Quand le lanceur dépasse la limite de son couloir de sécurité (fixée à 10°), la séquence de secours s'active automatiquement. Les moteurs du vaisseau s'allument et l'arrachent du troisième étage. Dans la cabine, les cosmonautes ne comprennent pas ce qui se passe. Les instruments informent simplement les deux hommes que le lanceur a été victime d'une grave défaillance. LAZAREV arrête la sirène qui l'empêche de se concentrer, mais de toute manière il n'a rien à faire, sinon à faire confiance aux systèmes automatiques de sécurité. Le vaisseau continue sur son ascension, et culmine à l'altitude de 192km. Ensuite, ses trois compartiments se séparent, et le compartiment de descente (SA) entame son retour balistique. Piotr KLIMOUK, le commandant de l'équipage de réserve, est à Baïkonour et calcule rapidement le point de chute approximatif du vaisseau. Il communique ses résultats à LAZAREV et MAKAROV, mais ces derniers n'entendent pas le message. Ils ne savent donc pas du tout où ils se dirigent, mais envisagent trois possibilités : la mer du Japon, la Chine ou les montagnes. La première semble impossible, car au moment du décollage le Japon était déjà dans l'obscurité. Mais d'autres préoccupations viennent rapidement occuper l'esprit des cosmonautes. Immédiatement après la séparation de leur vaisseau, ils ont vécu approximativement 400s d'apesanteur. Mais plus le SA tombe, et plus la charge devient importante. Elle augmente progressivement et atteint le pic de 21,3G ! LAZAREV et MAKAROV ont énormément de mal à résister à une telle accélération (on rappelle que le seuil de tolérance pour un homme bien entraîné est de 10G), mais il sont bien forcés d'y parvenir. Ils sont victimes de vision en noir et blanc et en tunnel. Ensuite, le vaisseau commence à accélérer de moins en moins vite et LAZAREV tente de communiquer par radio avec le sol, mais sans succès. Quelques instants plus tard, le parachute s'ouvre, et le SA atterrit à 11h26'21" GMT, à 1574km du pas de tir d'où il avait décollé. Le vol aura finalement duré 21 minutes et 27 secondes. La cabine se pose sur le flanc d'une montagne appelée Teremok-3, à 1 200m d'altitude, au sud-ouest de la ville russe de Gorno-Altaïsk, près du village d'Aleïsk. Cependant, les cosmonautes n'ont aucun moyen de connaître leur position, et ils savent qu'il existe une probabilité non négligeable qu'ils soient tombés en République Populaire de Chine. Fig. 3 : Carte de l'Asie centrale montrant le point de départ du vaisseau et
sa zone d'arrivée. En 1975, les relations sino-soviétiques sont mauvaises, et LAZAREV et MAKAROV redoutent l'éventualité d'avoir atterri ici. Mais des problèmes plus immédiats se posent aux deux hommes. Tout de suite après le contact, le compartiment de descente (SA) se met à dévaler la montagne, et s'approche dangereusement d'un précipice. Par une chance inouïe, le parachute s'accroche à un tronc d'arbre et la chute est évitée. LAZAREV et MAKAROV ouvrent l'écoutille et s'extraient de leur vaisseau. La température est de -7°C et la zone est recouverte d'environ 1,5m de neige, ce qui ne leur permet pas de marcher. Les deux cosmonautes doivent se traîner sur quelques mètres pour allumer un feu de camp sans mettre le vaisseau et ses ergols en danger. Alors que la nuit s'apprête à tomber, ils rassemblent leurs équipements de survie à l'extérieur du vaisseau en attendant l'équipe de secours. Pour lutter contre le froid, ils enfilent leurs tenue de survie et leur tenue Forel utilisée normalement en cas d'amerrissage. LAZAREV était chargé de mener à bien une fois en orbite une expérience secrète pour le compte des Forces armées. De peur d'être tombé en Chine, il brûle tous les documents qui s'y réfèrent. MAKAROV lui-même n'était pas au courant de la nature de l'expérience; il pensait toutefois qu'il s'agissait simplement d'évaluer la capacité d'observation de la Terre à l'œil nu. Le vaisseau Soyouz, échauffé par son vol balistique, fait fondre la neige et, comme il est de moins en moins retenu, il commence à bouger en direction du précipice. Les cosmonautes espèrent qu'il tiendra jusqu'à l'arrivée des secours. Un premier hélicoptère arrive sur les lieux environ trente minutes après l'atterrissage. Les secours proposent d'envoyer des parachutistes, mais LAZAREV refuse. Ayant lui-même exercé cette discipline, il sait qu'un tel saut serait beaucoup trop dangereux. Le commandant annonce par radio qu'il préfère passer la nuit sur place et attendre de nouveaux secours le lendemain. Dès le petit matin, un hélicoptère arrive au-dessus du vaisseau et tente de récupérer les cosmonautes au moyen d'une échelle. Mais l'engin a énormément de difficultés à se maintenir stable à une telle altitude et l'opération est abandonnée. Les secours décident alors de déposer une équipe de récupération au pied de la montagne, et de laisser ces hommes l'escalader. Mais ils sont pris dans une avalanche et une autre équipe doit être dépêchée pour les secourir ! Plus tard, un guide forestier est déposé par un hélicoptère Mi-4 auprès des cosmonautes pour leur porter assistance. Peu de temps après, un nouvel hélicoptère parvient à hisser à son bord les deux cosmonautes ainsi que le guide. Après une visite médicale, il s'avère que LAZAREV et MAKAROV sont en bonne santé, bien qu'un peu secoués. Le Compartiment de Descente sera récupéré quelques temps plus tard. Remarque Ce vol ne recevra jamais de nom. La littérature occidentale fait souvent allusion à la désignation « Soyouz 18-1 » ou « Soyouz 18A », mais cela n'a bien sûr rien d'officiel. Il s'agit du premier - et jusque là dernier - vol suborbital habité réalisé en Union soviétique. Bibliographie[1] PORTREE, D., Mir Hardware Heritage, NASA RP 1357 Dernière mise à jour : 2 mars 2011 |
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