Soyouz | 7 février 1967Le 2ème lanceur Soyouz (11A511 n°У15000-04) a décollé du pas de tir n°5 (17P32-5) de la zone n°1 du cosmodrome de Baïkonour le 7 février 1967 à 13h20'00" GMT. La charge utile était constituée du troisième vaisseau spatial Soyouz (11F615 n°3), rebaptisé Cosmos 140. HistoriqueA l'origine, le programme voulait que les deux premiers vaisseaux Soyouz réalisent une mission de rendez-vous automatique en orbite, qui serait suivie par une mission de rendez-vous pilotée, avec les vaisseaux n°3 et n°4. Mais rien ne s'est passé comme prévu. Le premier vol a rencontré une multitude de problèmes techniques et s'est terminé par la perte intégrale du vaisseau, et le deuxième vol n'a même pas eu le temps de commencer, car le lanceur a été détruit sur le pas de tir, faisant une victime et de nombreux blessés. Suite à ce deuxième échec, la Commission d'Etat a naturellement décidé de rajouter au planning un vol automatique « en solitaire » du vaisseau. C'est l'exemplaire n°3 qui sera utilisé (il est de type passif), et le lancement aura lieu dès le 15 janvier 1967. Le vaisseau devra être réaménagé pour pouvoir voler sans cosmonaute à bord. Il est important de noter que cette mission emportera un instrument scientifique très avancé : un aimant supraconducteur cryogénique, d'une aimantation de 1,6MA/m, qui permettra de détecter des particules de haute énergie (de l'ordre de quelques GeV). Cette expérience peut être considérée comme la première tentative d'étude des rayons cosmiques. La préparation du vaisseau prend un peu de retard, et le lancement est repoussé au 6 février 1967. La Commission d'Etat se réunit à Moscou le 19 janvier et part à Baïkonour le 23 janvier pour superviser les préparatifs. Vassili MICHINE, le constructeur général du TsKBEM, est malade au cours des deux semaines précédant le lancement, et il est absent à de nombreuses réunions techniques. La missionLe 6 février, à H0-4h, la chronologie est interrompue suite à un problème électrique mineur. Le lancement intervient donc avec vingt-quatre heures de retard, le 7 février 1967. La mise en orbite est réussie, mais elle est sensiblement plus basse que prévue (170km x 241km x 51,7°) en raison d'une mauvaise performance du lanceur. Juste après l'arrivée en orbite, les ingénieurs au sol à Eupatorie testent les moteurs de freinage (nominal et secours), le système électrique et le système d'orientation, notamment en utilisant le capteur stellaire 45K. Tout semble fonctionner parfaitement pendant les trois premières orbites. Plusieurs cosmonautes, dont Youri GAGARINE, ainsi que MICHINE, KAMANINE et KERIMOV arrivent de Baïkonour et se joignent aux équipes d'ingénieurs. Lors de la quatrième orbite, avant de sortir de la zone de visibilité des stations de poursuite, le vaisseau était censé s'orienter en direction du Soleil, afin de recharger les batteries au moyen des panneaux solaires. Mais il n'en est rien. Les équipes d'Eupatorie ne comprennent pas immédiatement si le problème vient des automatismes embarqués ou du réseau de transmission. De plus, juste avant que Cosmos 140 ne soit hors de portée, ils apprennent que le système d'orientation a déjà consommé 50% des réserves d'ergols. La situation est donc grave. La priorité est de rehausser l'orbite, de manière à gagner du temps avant que le vaisseau ne rentre naturellement dans l'atmosphère. Lors de la 22ème orbite, le moteur principal SKD est allumé pendant 58", et c'est le système d'orientation ionique qui est utilisé. Avec ces nouveaux paramètres, Cosmos 140 ne retombera pas sur Terre avant un mois. Les ingénieurs réalisent ensuite une nouvelle tentative d'accrochage du Soleil avec le capteur d'orientation 45K, mais sans succès. Après deux jours de vol, Cosmos 140 a presque vidé ses batteries, et il fonctionne maintenant sur sa réserve de secours (NZ, неприкосновенный запас), qui durera encore une journée. L'objectif est désormais de ramener le vaisseau sur Terre en toute sécurité. L'orientation stellaire étant hors-service, il ne reste que l'orientation ionique. Or, le responsable de son développement, RAOUCHENBAKH, ne peut pas garantir son fonctionnement lors de la phase de freinage, car les gaz d'échappement du moteur SKD peuvent perturber les capteurs. Mais comme il n'y a pas d'autre alternative, il est décidé de tenter la manœuvre de freinage avec l'orientation ionique. Elle intervient de manière automatique alors que le vaisseau est hors de portée, et c'est donc avec un énorme soulagement que les ingénieurs apprennent, quelques instants après, que tout s'est bien déroulé. Le freinage a eu lieu comme prévu, et le système d'orientation ionique a parfaitement fonctionné. Les trois compartiments se sont séparés, et le Compartiment de descente (SA) est passé sur ses propres sources électriques. Il se dirige maintenant vers la Terre, mais la rentrée est effectuée en mode balistique. Il faut quatre heures aux équipes de récupération pour détecter un signal, et il provient de la mer d'Aral, plusieurs centaines de kilomètres à l'ouest de la zone prévue. Des hélicoptères de recherche finissent par localiser le SA à 11km de la baie de Chevtchenko. Cosmos 140 a le triste honneur d'être le premier vaisseau spatial soviétique à amerrir. Lors de son retour, il a percuté un iceberg et l'a traversé. Il est maintenant en train de flotter dans le trou qu'il a percé, et malheureusement il semblerait qu'il se remplisse d'eau. Au bout de quelques instants, il finit par couler par dix mètres de fond. Cette nouvelle est en soit très déconcertante, car le SA avait été conçu pour pouvoir flotter. Sa récupération, placée sous la responsabilité du major-général S.F. DOLGOUCHINE, s'avère particulièrement complexe, car il est trop lourd pour être soulevé par un hélicoptère. Un Mi-6 parvient à le faire glisser horizontalement sur 3km jusqu'à la côte. Les ingénieurs du TsKBEM découvriront une brèche de 30mm x 10mm dans le bouclier thermique, à la base du SA, ce qui explique qu'il a coulé. Si des cosmonautes (sans scaphandre) avaient été présents à bord, ils auraient été tués par la dépressurisation lors de la rentrée. Le bouclier thermique était traversé en son centre par le connecteur électrique d'un capteur de température. Ce connecteur est maintenu par une colle spéciale, mais il semblerait qu'elle ait été mal fixée. Elle a donc été arrachée lors de la rentrée, provoquant la brèche dans le fuselage du vaisseau. Si des cosmonautes avaient été à bord, même avec des scaphandres ils auraient péri à cause des gaz incandescents qui se sont engouffrés à l'intérieur de la cabine. Par la suite, ce connecteur a été purement et simplement supprimé. Ce deuxième essai en vol du vaisseau Soyouz est donc un échec cuisant. BibliographieGLOUCHKO, V., Космонавтика.
Энциклопедия, p. 201 Dernière mise à jour : 27 juin 2011 |
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